S’indigner, c’est le propre de l’homme ! C’est le propre de l’homme qui ne se laisse pas aseptiser, qui ne s’habitue pas au silence de l’indifférence, ni à celui de la peur ou de l’impuissance et de la lâcheté. L’indigné refuse de « fermer les yeux et les oreilles », il réagit au quart de tour dès que la dignité humaine est bafouée, dès qu’une force, quelle qu’elle soit, et sous quelque prétexte que ce soit, piétine une vertu parmi celles qui font notre humanité et donnent un sens à notre existence sur terre.
Les récents soulèvements antiracistes aux Etats unis et en France devraient raviver l’instinct d’indignation un peu partout dans le monde. Les criminels racistes et leurs influents protecteurs doivent se sentir sérieusement menacés. Il faut mettre fin à l’impunité des individus, des collectivités, des institutions, des Etats qui s’autorisent au nom de préjugés indéfendables et en s’appuyant sur l’argument de la puissance physique, politique, financière, militaire ou autre, toutes sortes de sévices et d’humiliations sur des êtres humains dont l’unique « erreur » est leur différence de couleur, de sexe, de région, d’opinion, de choix de vie, ou de façon d’être à soi et au monde.
Tout cela est beau comme discours et comme leçons, me dirait-on ! Je répondrais que c’est toujours mieux que des propos haineux, que c’est toujours mieux que de rester sans voix, sans réaction, sans réflexe rebelle. Je répondrais aussi, hélas, que s’il existe des commerçants du racisme dans le monde, il existe également des commerçants de l’antiracisme. Je veux dire que certains « militants » antiracistes ne sont pas aussi sincères qu’ils veulent le faire croire. Au milieu de la foule protestataire, on rencontre souvent des « calculateurs » qui sautent sur toutes les occasions susceptibles de les propulser d’une quelconque manière. On croise en fait des profiteurs en tous genres, ceux des partis politiques comme ceux de la (désormais) sacro-sainte société civile.
Je ne peux plus croire, je n’ose plus croire au bénévolat des organisations de cette société civile, auxquelles il faut demander (bien) des comptes sur les véritables intentions qu’elles cachent sous les slogans les plus désintéressés. Je ne crois plus à la bonne foi des « journalistes d’investigation », ni à celle des « chroniqueurs » et « chroniqueuses » si nombreux sur les plateaux de nos radios et de nos télévisions, encore moins à la loyauté des « reporters sans frontières » ! Tout ce beau monde a enfin compris que le commerce des bonnes causes est tout aussi juteux que celui des mauvaises causes.
Que faire alors ? Il ne faut tout de même pas trouver dans ces tristes constats une raison pour baisser pavillon et abandonner le combat. Non ! Il faut au contraire savoir être soi-même profiteur, disons plutôt, opportuniste. En d’autres termes, il faut faire fructifier à son avantage l’action des militants sincères et celles des frimeurs et des calculateurs en même temps. Le but étant de faire réussir le mouvement de protestation, il importe donc de tirer profit du nombre des manifestants, de leurs statuts, de leur poids dans la balance politique, sociale, financière, ou autre. Il en est toujours ainsi, presque à propos de tout : chacun tire la couverture à soi, de son bord, de son côté. A la fin, la victoire revient toujours à celui qui tire cette couverture le plus à soi, le plus de son côté, le plus de son bord !
BADREDDINE BEN HENDA