Par Mansour M’henni
La parution récente du livre de Fathi Triki, La Mémoire et le devenir. Etapes de mon autobiographie (Tunis, Mediterranean Publisher, 2020), a suscité en moi une série d’impressions et de réflexions que j’ai senti le besoin d’exprimer, et qui seront peut-être partagées par des lecteurs intéressés.
Je précise d’emblée que je n’ai pas encore achevé la lecture du livre et qu’il ne s’agira ici ni d’en rendre compte ni de commenter son contenu ; cela viendra sans doute, à tête reposée, après une étude attentive et plus analytique. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai parlé « d’impressions et de réflexions », au centre desquelles il m’importe de souligner le croisement amical et intellectuel – malgré certains cheminements différents – de ma façon de voir l’ensemble des choses avec la pensée de mon ami, le Professeur émérite Fathi Triki – et d’ailleurs avec mon amie Pr. Rachida Trika aussi, son épouse et sa complice dans le tressage des aventures amoureuses et tumultueuses de l’art et de la philosophie.
Je suis de près l’évolution de la pensée trikienne au moins depuis son livre en langue arabe Philosophie de la diversité (1987) et notre amitié est née au milieu des années 90, voilà plus d’un quart de siècle déjà. Nous avons toujours collaboré, communiqué et œuvré sur la base commune de notre engagement intellectuel et citoyen, dans le respect de nos différences et des spécificités de certains de nos choix réciproques. Jamais une ombre n’était venue altérer cette façon partagée de voir, d’être et de faire entre nous, nous trois, dirais-je. En plus, ce qui caractérise toujours cette expérience commune, c’est la générosité et l’hospitalité intellectuelle du couple Triki, jamais en défaut pour une rencontre académique ou culturelle ni pour une publication y afférente.
Par ailleurs, je fais l’aveu que, depuis des années, sur le plan personnel, je tiens Fathi Triki pour l’un des rares vrais philosophes de Tunisie, sinon le principal d’entre eux. Quelque subjectivité qu’on veuille m’attribuer pour ce jugement, il ne manquera pas à mon avis d’avoir à son profit des arguments intellectuels rationnels et aussi objectifs que possible. J’y reviendrai à une autre occasion, mais un avant-goût de ces arguments peut être trouvé dans l’introduction du livre La Mémoire et le devenir qui me semble très bien résumer le philosophe F. Triki dans sa triple dimension affective, intellectuelle et sociale et qui me semble inscrire l’auteur et son œuvre dans le célèbre dicton « Regarder le passé pour éclairer l’avenir ». Et l’essentiel de la pensée trikienne se résumerait dans deux concepts-clés sur lesquels il focalise, la diversité et le vivre-ensemble, et ce sont ces deux concepts qui nous rapprochent le plus et que j’aurais souhaité voir se développer dans le croisement de la philosophie trikienne avec notre concept de la « Nouvelle Brachylogie » et son champ de recherche et d’exploration. Mais il n’est jamais trop tard pour le faire et je pense que cela viendra, « Devenir oblige ! ».
Retenons, de ce croisement, les valeurs de conversation, de respect, de révision des hiérarchisations arbitraires de la petitesse et de la minorité, donc d’une diffusion de la philosophie dans les couches et les catégories sociales les plus variées, sans affecter son essence rationnelle, mais en la libérant peut-être d’un certain pédantisme et de quelques attitudes hautaines. Bref, en en faisant l’instrument, la voix et la voie de la démocratisation authentique, celle de l’intelligence.
Voilà en acompte, en attendant la fin de la lecture du livre !
(Publié aussi sur jawharafm.net)