Cette rencontre a eu lieu le mercredi 07 avril, à 15h au siège de l’Union des Ecrivains Tunisiens. D’abord, c’est M. Habib Falfoul qui présenta sa communication : « Le roman, dit-il, relate l’histoire d’une jeune fille appelée Lina, artiste-peintre, en quête d’amour, de bonheur et de plaisir, à la recherche de l’homme de sa vie, l’homme dont elle rêve. Celui-ci, elle ne l’a pas retrouvé chez Khalil, un jeune homme qu’elle a connu à l’université parce qu’il ne cadre pas avec ses perspectives. Lui, il est opportuniste, matérialiste, pragmatiste, où tout pour lui est subordonné à l’argent. Elle, en revanche, est idéaliste, attachée aux principes du bien, de l’honnêteté et de la droiture et prête à défendre les valeurs humaines et les causes sociales justes. Elle met fin donc à sa relation avec Khalil. Après avoir souffert d’une période de désarroi et de solitude, elle fit connaissance avec Hakim, dont le père était un grand ami du père de Lina : il est venu de France pour passer une semaine en Tunisie. C’est alors que se crée une sorte d’affinité et de conformité dans les idées, les sentiments, les aspirations et les rêves, tant ils se sont échangés des souvenirs du passé concernant leurs deux pères respectifs, qui partageaient à l’époque les mêmes idées politiques. Le père de Lina, médecin de son état, a aidé celui de Hakim persécuté alors par le pouvoir. Ce qui les rapproche chaque jour davantage. Ce roman est une histoire d’amour, plutôt l’histoire d’un amour naissant, à travers un débat entre l’amour propre et la sensualité, entre le corps et l’esprit, entre le concret et l’idéal, entre le rêve et la réalité, ce qui constitue pour Lina cette « ligne bleue », cette ligne de démarcation entre ce qui est apparent et la vérité cachée dans le cœur. L’auteure a relaté habilement le cheminement harmonieux de l’intrusion de Hakim dans le cœur de Lina dans une progression inassouvissable allant crescendo jusqu’à la conquête de son cœur. »
Ensuite, ce fut le tour de M. Moncef Chebbi, éditeur d’Arabesques et écrivain, qui prit la parole : « Amel Chérif, la romancière, fait partie de cette élite littéraire et intellectuelle tunisienne qui permet à notre pays malgré les vicissitudes, de s’accrocher à un espoir de lendemains meilleurs ; cette élite méconnue qui alimente quotidiennement notre substrat culturel. Une écriture riche et légère, une maitrise de la langue française, cette langue qui est notre fenêtre sur l’autre rive, sur l’Occident. Un magnifique travail de la narratrice qui consiste à peindre des personnages attachants… »
J’ai eu l’honneur de participer à cette rencontre par un court exposé que voici : «
Amel Chérif vient de publier son premier roman aux Editions Arabesques intitulé «Derrière La Ligne Bleue », un de ces livres qui peuvent émouvoir positivement ou avoir un impact bénéfique sur notre vision de la vie, des choses et des sentiments. Amel Chérif, on l’a toujours connue en tant que poétesse à la sensibilité fine et au grand talent, notamment avec ses deux recueils de poésies publiées auparavant, à savoir « Le Chemin de Corail » en 2017 et « Fragments de mémoire » en 2019 qui lui ont valu un bon succès auprès des lecteurs passionnés de poésie d’expression française.
Si, aujourd’hui, Amel change de cap pour virer vers un autre genre littéraire, qu’est le roman, et plus précisément le roman d’amour ou sentimental, il n’en demeure pas moins que la romancière ne manque pas à sa vocation poétique, si bien que le lecteur de ce roman remarque très vite le style poétique, riche en images suggestives et en expressions métaphoriques tout au long du récit, à telle enseigne qu’on reconnaît plus la poétesse que la romancière dans ce nouvel ouvrage.
Disons de prime abord qu’il ne s’agit pas là d’une histoire d’amour comme celles qu’on connaît à travers les livres ou les films, pleines de tourments, de jalousies, de larmes et de souffrances, mais plutôt d’une quête du vrai amour, d’un amour parfait, fidèle et partagé où le couple se sent surtout lié par la compatibilité des idées et des sentiments, des humeurs et des caractères. C’est en fait le parcours effectué par Lina, jeune fille de 28 ans et personnage principal du roman, artiste-peintre, d’abord avec son ami Khalil, qui ne semble pas répondre tout à fait à l’image qu’elle se fait d’une véritable relation amoureuse, et qu’elle quitte enfin puisque les deux sont de caractères incompatibles. Ensuite avec Hakim, ami de sa sœur Yasmine et son ami Malik qui résident à Paris. Hakim est donc venu en Tunisie, pour une visite de quelques jours, ce pays où son père, ami du père de Lina, a vécu en homme militant et engagé pour les droits de l’homme et qui a été persécuté à l’époque par le pouvoir en place. Peu à peu, nait entre les deux, Léna et Hakim, une certaine intimité quand chacun révèle à l’autre des vérités sur la relation ancienne de leurs parents respectifs, parlant des souvenirs avec beaucoup de nostalgie. Les histoires qu’il lui raconte lui font revivre le passé, la vie de son père, médecin de son état et au sein de sa famille. Cette rencontre semble lui redonner de l’espoir vers l’avenir, surtout que depuis sa rupture avec Khalil elle vit dans la solitude. Une sorte d’admiration pour ce visiteur commence à se manifester, aussi bien dans les sentiments que dans le comportement de Lina, d’autant plus que les gestes et les paroles de Hakim témoignent d’un attachement affectif pour la jeune fille.
Tout semble plus clair dans les dernières pages du roman. C’est là que s’écrit toute la force du roman. Désormais, c’est Hakim qui incarne l’amour tant recherché, tant rêvé, c’est la personne qui saura regarder avec elle dans la même direction, qui saura défendre avec elle les mêmes causes et qui affrontera avec elle toutes les épreuves. Et c’est pour cette raison que « la ligne bleue » qui jusque-là demeure inaccessible, peut dorénavant être atteinte : « Et elle sent, écrit l’auteure, se rapprocher cette ligne bleue si pleine d’amour, illusoire peut-être, mais si belle qu’elle rêve de traverser un jour avec Hakim… » Un beau roman, tout en finesse et en poésie.
Hechmi KHALLADI