Les occasions pour célébrer la femme sont de plus en plus nombreuses chez nous. Pas plus tard qu’hier, parce que c’était la Fête des mères, on n’arrêtait pas de faire l’éloge des mamans et à travers elles celui de toutes les femmes. Sur Face book en particulier et dans des posts masculins et féminins jeunes et moins jeunes, on faisait diversement part de la tendresse, de l’amour et de la vénération voués par chacun et chacune à leurs chères génitrices respectives.
En fait, toutes les occasions sont désormais bonnes, chez nous, pour que n’importe quel sujet débouche sur l’éloge et la défense des femmes. La nomination d’une Ministre, le succès d’une sportive, mais aussi des polémiques futiles provoquées incidemment lors de certaines émissions de télé ou de radio tout aussi médiocres, ou bien sur le Net à travers des blogueurs et des influenceurs nullissimes. Si bien que les prétendus débats féministes finissent par se transformer en querelles ridicules propices à tous les abus visant confusément les deux sexes.
Même certains intellectuels et intellectuelles respectables se laissent aller à ces dérapages ô combien néfastes pour l’évolution des mentalités en Tunisie. Ces personnalités ravivent sciemment ou involontairement les inimitiés et les injustices passées non pour les dénoncer et appeler à une société plus équitable entre ses membres; mais plutôt pour dresser d’impitoyables procès contre la gent masculine dans son ensemble et justifier implicitement le sexisme inverse. Des relents de rancunière revanche, que dis-je, de vengeance haineuse se dégagent alors de chaque propos dit féministe.
Sous nos cieux, le féminisme trahit parfois le niveau très moyen de ceux et de celles qui croient le défendre. On ne naît pas sexiste, on le devient ! Selon la même logique, on ne naît pas féministe, on le devient ! C’est donc une affaire d’éducation, de culture et de temps, le féminisme : hommes et femmes, pères et mères, éducateurs et éducatrices sont censés contribuer sainement, c’est-à-dire sans préjugés discriminatoires, à former des générations profondément imprégnées des principes et des valeurs d’égalité et de justice entre tous les êtres humains indépendamment de leur sexe, de leur race, de leur religion, de leur classe sociale, etc. Cela demande plusieurs années et décennies, hélas ! Sinon, bien plus.
Il n’est guère question de remplacer un sexisme par un autre, un racisme par un autre, une haine par une autre. Le mieux serait de militer sur le long terme pour des sociétés équilibrées, décomplexées, tournées vers le progrès et le bonheur de tous, et pas du tout engagées pour l’essor et l’épanouissement des uns au détriment des autres. Il faut concevoir le féminisme comme un combat humaniste qui implique les hommes et les femmes dans des actions communes pour la prospérité individuelle et collective à l’échelle de chaque pays et société et à l’échelle de la planète entière.
Célébrons ensemble mères et pères, filles et garçons, épouses et maris, géniteurs et génitrices, féminin et masculin. Ne nous attardons jamais trop sur ce qui nous sépare; mais retenons toujours ce qui nous rapproche. Et surtout, surtout, combattons ensemble et le plus farouchement possible tous les individus, toutes les politiques, toutes les idéologies nostalgiques du temps de Barbe-Bleue ou de celui des Amazones !