On parle de nouveau, ces derniers jours, de pénurie. D’ailleurs, la “maison” m’a chargé de lui trouver du sucre en ville parce qu’il n’y en a plus là où nous habitons ! Moi, je me fais du souci en fait à cause d’une autre pénurie. Les plus mécontents de Kaïs Saïed et de ses méthodes proposent aujourd’hui son renversement. D’autres voudraient seulement partager d’une quelconque manière le pouvoir avec lui, autrement dit qu’ils les fassent participer à la prise des grandes décisions relatives à l’avenir du pays. Ceux qui restent sont plutôt attentifs indécis ou sans solution véritable. Parmi ces derniers, figurent plusieurs partis et hommes politiques de cette Gauche traditionnelle tunisienne qui peine à percer politiquement depuis janvier 2011. On entend de plus en plus nettement, en ce moment, leurs récriminations ; mais ce qu’ils proposent comme alternative à la situation présente reste très vague, sinon ressemble étonnamment à ce que suggèrent leurs propres adversaires de la droite (nahdaouis et destouriens, en particulier).
Les Tunisiens ont déjà dit leur mot à propos de cette Gauche qui ne fait pas le poids. Aux différentes élections organisées pendant la dernière décennie, ils ne lui ont accordé que peu de crédit et de sièges ! Après la “chute” des islamistes, c’est Abir Moussi et son PDL qu’ils chouchoutent concurremment avec Kaïs Saïed et son fantomatique parti “Le Peuple veut”. Mais alors qui veut de la Gauche sclérosée et agonisante que plus personne ne craint vraiment : Al Massar, Le Front Populaire (ou ce qui en reste), le Parti des Ouvriers, le Parti Socialiste, Afeq Tounès, Al Qotb, etc. Aujourd’hui, dans son opposition à Kaïs Saïed, Hamma Hammami prend soi-disant ses distances par rapport à Ennahdha et au PDL, mais s’allie à des formations et à des personnalités qui, il n’y a guère longtemps, étaient trop proches du Cheikh Rached, voire du Chef de l’Etat. Mongi Rahoui, quant à lui, s’est rapproché de Saïed et a participé aux travaux de l’Instance consultative chargée de concevoir une nouvelle Constitution. D’autres personnalités indépendantes naguère rangées parmi les figures progressistes approuvent plus ou moins ouvertement le Président. Quant à Ahmed Néjib Chebbi, il a choisi de signer un nouveau pacte avec Ghannouchi et ses alliés.
En réalité, tous les adversaires de Saïed n’ont rien de nouveau à proposer pour le remplacer. A gauche comme à droite et au centre, rien d’autre et personne d’autre que les incarnations à peine voilées de l’échec ou de la stérile verbosité. Abir Moussi ne cache absolument pas ses nostalgiques penchants antidémocratiques : elle propose le retour à Bourguiba et à Ben Ali comme si leurs régimes étaient irréprochables et différaient de celui que Saïed préconise. L’avenir politique de la Tunisie est sombre en raison de ce manque d’alternative différente, de new-look inattendu et efficace ! En France, la Gauche classique a tout récemment marqué des points en changeant de nom, de tactique, d’alliances, de discours, de slogans et de “visages” ! Sa dernière réussite, même relative, face à Emanuel Macron et à Marine Le Pen devrait en principe inspirer beaucoup d’attardés au sein de la Gauche classique tunisienne !