Dans ma précédente chronique, j’ai essayé de souligner l’importance pour la Tunisie, ici et maintenant, d’une réorganisation du centrisme politique à la fois comme signe de retour aux fondamentaux d’une gouvernance rationalisée et comme voix pour une convergence majoritaire autour d’un projet de société solidaire, unifiée dans et par les différences variées des citoyens qui la constituent.
Depuis, j’ai marqué un léger temps d’arrêt pour observer et constater. Je n’avais évidemment pas la prétention d’influencer grand monde autour de ma suggestion, mais je ne perdais pas l’espoir de voir la plupart des Tunisiens songer à envisager un cheminement politique dans la proximité de ce que je soutenais… et soutiens encore. On en a parlé dans des mini-groupes et des cercles restreints, aussi bien dans le cadre de ce qu’on appelle l’élite culturelle et intellectuelle que dans celui de la citoyenneté générale et dans l’action civile. L’idée séduisait mais inquiétait aussi du fait que les forces agissantes se manifestent à contre-pied ou presque de cette voie séduisante. On les voit qui s’entêtent à un refus inconditionnel de ce qui viens des adversaires, ou qui cajolent hypocritement dans un opportunisme politique adapté à la tête du client. Ainsi la question qui revenait dans nos conversations à propos de la proposition néo-centriste est la suivante : Comment se regrouper autour d’un tel projet ? Quelle nature ou quelle structure lui donner, puisque nombreux sont ceux qui s’en prétendre sans références et sans options crédibles ? Lui faut-il un leader ? Et qui alors ? Le commentaire souvent repris : « On a tellement vu de prétendus leaders finir dans les poubelles de l’Histoire qu’on ne voit plus dans notre pays des personnalités à même d’assurer ce rôle ! »
En fait, le défaut est peut-être dans l’œil qui ne voit pas bien ou ne voit pas assez ; il est peut-être dans la compétence d’évaluation des personnes et des voies proposées, même s’il y a beaucoup de vérité dans le commentaire précédemment évoqué. Observons les plus prétentieux et les plus bruyants (brouillons aussi, peut-être) des criards à tout bout du champ de la cacophonie politique qui s’est emparée de nous depuis 2011 ! Que voyons-nous sur certains plateaux médiatiques ? Ces acteurs de la criée politicarde, à peine sont-ils provoqués par une question désobligeante ou trop franche, à peine résiste-t-on, avec force arguments, à leur rhétorique sophiste, ils n’ont plus d’autre solution que de quitter le plateau. Et ils se disent démocrates ?!
La démocratie est cette compétence et cette éthique qui vous font accepter l’autre quelles que soient sa façon d’être, tant qu’elle n’est pas contraire aux règles établies, et sa façon de parler tant qu’elle est dans la logique de sa pensée prête à converser avec d’autres logiques différenciées. Or presque tous ceux qui font la partie apparente de notre iceberg politique sont des collets montés : rigides, prétentieux, traditionnalistes même en défendant le contraire… C’est des gens pour qui le gris n’existe pas : c’est tout noir ou tout blanc ! On ne peut pas concevoir une société viable et vivable sur cette base !
Toujours est-il que la démocratie n’est pas l’anarchie non plus et c’est justement la conversation continue, à propos de tout ce qui est partagé ou partageable, qui peut réguler ce juste équilibre entre la discipline volontaire, assumée, et la liberté constructive qui, tout en étant individuelle, ne peut s’épanouir que dans l’interaction avec la liberté d’autrui. Je parle bien des vraies conversations et non de ces nouveaux dialogues de la manipulation. Une fois convaincus par la démarche entendue et par son objectif essentiel, l’action pratique et les personnalités de coordination se distingueront sans vanité ni égocentrisme. Ceux-là qu’anime juste l’intérêt de la Tunisie et des Tunisiens, tous les Tunisiens acceptant de s’inscrire dans cette vision de la société ayant pour piliers le respect, le partage et la solidarité.