Notre association « Questions et Concepts d’Avenir – QCA » (éditrice du présent site de communication associative et de la revue semestrielle bilingue VOIX D’AVENIR) était à l’honneur à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, le vendredi 13 décembre 2024, à l’occasion de la présentation, par sa présidente Mme Halima Ouanada, d’une conférence intitulée « Femmes et Salons Littéraires en Orient, une tentative de réhabilitation ».
Mme Halima Ouanada a ouvert sa conférence en rappelant que l’essence de son projet réside dans une volonté d’interroger les rapports entre l’Orient et l’Occident au cours du siècle des Lumières. Elle a proposé de dépasser la perception des Lumières comme une doctrine européenne achevée, en les présentant plutôt comme un processus intellectuel ouvert, bâti sur des contributions intellectuelles étrangères, notamment grâce aux traductions.
La conférencière a d’abord souligné le rôle des penseurs orientaux et leur influence sur les Lumières, à partir de trois noms illustres donnés en exemples :
Averroès (1126-1198), considéré comme l’un des pères spirituels de la pensée occidentale du XIIè au XVIIè siècle et un fondateur de la laïcité en Europe.
Avicenne (980-1037), dont le Canon a durablement influencé la médecine occidentale.
Ibn Khaldoun (1332-1406), précurseur reconnu de la sociologie moderne et inspirateur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Mme Ouanada a évoqué la lecture qu’en ont faite les philosophes européens comme Montesquieu et Weber.
Elle a ajouté que les voyages en Chine et en Perse ont permis une confrontation enrichissante entre les cultures occidentales et orientales, bien que parfois entachée de mépris ou de visées colonisatrices.
Elle a souligné ensuite un paradoxe marquant : alors que les salons littéraires féminins français des XVIIe et XVIIIe siècles sont abondamment étudiés, les salons littéraires arabes, et plus spécifiquement ceux animés par des femmes, restent largement inexplorés. Cette absence de reconnaissance constitue un double défi : aussi bien dans les études critiques occidentales, qui les ignorent presque systématiquement, que dans les études arabes contemporaines, où ils ne font l’objet que de mentions superficielles.
Elle a précisé que cette lacune contribue à l’idée erronée de la primauté des salons littéraires français. Elle a présenté un plan en trois temps pour éclairer son propos où elle a tenu à démontrer d’abord l’existence et la primauté des majalis (pluriel de majlis), malgré le manque de sources suffisantes. Ces espaces d’échange, similaires aux salons occidentaux, remontent à une tradition beaucoup plus ancienne. Elle a par la suite formulé l’hypothèse d’une influence des majalis sur les salons occidentaux, une question qui mérite des recherches approfondies. Elle s’est arrêtée enfin sur l’exemple de Wallada bint al-Moustakfi (994-1091), poétesse et salonnière emblématique de l’Andalousie musulmane. Elle a relevé les similitudes structurelles et fonctionnelles entre les majalis et les salons occidentaux.
Mme Halima Ouanada a conclu en insistant sur l’utilité aujourd’hui d’une révision critique de l’historiographie des Lumières pour y intégrer pleinement les contributions orientales. Elle a appelé à une exploration plus rigoureuse des majalis, notamment ceux animés par des femmes, pour enrichir la compréhension des interactions culturelles entre l’Orient et l’Occident.
La conférence a suscité un vif intérêt et des débats animés autour de la reconnaissance des traditions intellectuelles arabes dans l’histoire mondiale des idées.
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