A la Galerie Aïn : « Itération », exposition collective du 22 mai au 10 juin
Répétition certes, mais aussi variation et mouvement !
Une exposition collective se déroule actuellement à la Galerie Aïn de Salammbô, ayant pour titre « Itération », réunissant une pléiade de jeunes artistes, tous des doctorants, ayant déjà eu leurs diplômes universitaires en arts plastiques. Ils sont six (cinq femmes et un seul homme), encadrés par Sana Jemmali Ammari dont le souci est la recherche de nouveaux procédés dans les arts plastiques. Il s’agit de Sabra Beb Fraj, Oumayma Ben Hamza, Nadia Charfi, Narjes Challouf, Awatef Mansour et Amir Chelly. Peinture à huile, acrylique, céramique, sculpture et une installation-vidéo marquent les 23 travaux exposés.
C’est en ces termes que Sana Jemmali Ammari définit cette exposition : « Ce concept rassemble ce groupe d’artistes dont les pratiques exposées cherchent à apporter quelque chose de nouveau. Chacun possède une inspiration et une technique propre à lui, renouvelle ses manières de faire pour renforcer sa singularité… L’itération est une méthode de travail pratique, un concept artistique qui donne à voir des formes imaginaires, hallucinatoires et symboliques. »
L’exposition intitulée « Itération » fait apparaitre cette tendance artistique qui consiste à utiliser des procédés visant à reproduire une image quelconque dans le domaine des arts plastiques. On peut voir à travers les travaux exposés des lignes, des formes, des points, des personnages réels ou surnaturels, des signes ou des symboles qui sont autant de procédés adoptés par les différents artistes pour faire valoir cette idée de répétition dans l’art, où chacun a sa propre vision et son avis personnel dans la concrétisation de cette idée de répétition qui semble souvent utile et passionnante. Cependant, le fait de répéter n’est pas chose fortuite dans les arts plastiques, mais cela vise à mettre en relief telle image ou insister sur telle idée.
Ces procédés répétitifs nous font découvrir des univers surréalistes, oniriques, voire mythologiques et soulèvent des questionnements autour des thématiques proposées et autour des messages à véhiculer à travers ces répétitions plastiques dont on ne peut qu’apprécier la démarche et la créativité de chacun de ces artistes. Cependant, quand on dit « itération » ou répétition dans ces œuvres plastiques, on dit aussi variation et différence dans l’art. La récurrence des formes, des signes, des symboles, des lignes et des couleurs dénote également une notion de variation qui peut être manifeste ou latente, uniforme ou multiforme, régulière ou irrégulière, selon la démarche adoptée par l’artiste.
C’est ainsi qu’on peut apprécier les travaux d’Oumayma Ben Hamza, doctorante en esthétiques et pratiques des arts visuels. L’artiste est présente dans cette exposition avec six travaux dont on peut citer, à titre d’exemple, ces trois toiles en acrylique : « Précipitation », « Dispersion » et « In-between » qui illustrent clairement ce concept de répétition en accumulant différents éléments représentant des figures animales, marines ou quasi-humaines, le tout semble être en perpétuel mouvement.
Quant à Sabra Ben Fraj, enseignante à l’institut supérieur des Arts et Métiers de Sidi Bouzid, elle nous propose de voir trois œuvres intitulées respectivement « The dream of the kite », « The wings » et « Transition » et exécutées en technique mixte sur toile et aux grands formats. Chacune de ces trois étoiles représente une fillette en train de dessiner sur un mur, soit avec un cartable sur le dos, soit un cerf-volant à la main ou encore lâchant des ballons en l’air. Des tableaux qui évoquent sans doute des souvenirs du passé mais aussi les rêves et les ambitions de la petite fille qui donne libre cours à son imagination pour créer ces dessins pleins de symbolisme et de suggestion. Aussi a-t-on l’impression que la fille est en train de griffonner des choses non pas sur cet espace restreint (le mur) mais plutôt dans un espace plus ample, plus ouvert qui nous transporterait vers un monde onirique.
Nadia Charfi, enseignante à l’Institut Supérieur des Beaux-arts de Sousse, nous invite à voir ses trois créations de céramique, à savoir « El ghanja », « Vision noire » et « Vision égarée. Une démarche plastique très originale dans laquelle l’artiste utilise le raku, cette méthode différente de la cuisson traditionnelle où on n’a pas besoin d’attendre que le four soit complètement refroidi pour sortir la pièce. Il s’agit de trois statuettes, telles des déesses, aux yeux bandées, fixées sur un support de vieux bois. Les trois figurines, pleines d’éléments symboliques et métaphoriques, laissent libre cours à l’interprétation du visiteur.
Narjes Challouf est artiste plasticienne et vidéaste. Elle est titulaire d’une maitrise en art médiatique et d’un master de recherche en art visuel. Elle nous présente son installation-vidéo à trois thèmes intitulés respectivement « Mesmerizing I », « Mesmerizing II » et « Perturbation » d’une durée d’environ trois minutes. L’artiste s’est servie de ses photos analogiques ou numériques, captées grâce à sa caméra ou à son smartphone dans des lieux différents. Cet art vidéo est une pratique artistique qui a sûrement exigé une réflexion approfondie et un minutieux travail de la part de l’artiste, où l’on peut remarquer une grande liberté dans la création, une imagination débordante et une bonne maitrise des outils et des techniques numériques.
Awatef Mansour est diplômée de beaux-arts spécialisée en céramique. Elle enseigne actuellement à la Faculté de la Manouba. Elle participe avec quatre travaux : « Sans titre I », « Sans titre II » et « Sans titre III » où l’artiste a eu recours aux fils et aux clous pour tramer ses ouvrages, un autre tableau intitulé « Combat de coqs » où l’on voit une suite d’images de coqs qui illustrent une tradition ancienne chez certains peuples et « Combattantes » un ensemble de statuettes multiformes en céramique à base de raku nu illustrant des femmes travailleuses qui luttent pour survivre.
Enfin, il s’agit de l’artiste Amir Chelly, doctorant en sciences et techniques des arts à l’Institut Supérieur des beaux-arts de Sousse, qui nous présente cinq œuvres sculpturales qui évoquent l’enfance de l’artiste et rappellent les mythologies grecques. Un travail qu’il décrit lui-même comme étant mystique et surréaliste. Les tableaux représentent des créatures enfantines couvertes de mystères dont les ailes déployées débordent le cadre attribué à l’œuvre. « Golden soul », « Un fragment », « Beyond the clouds », « Over the sky » et « Un détail » sont de belles œuvres qui suscitent beaucoup d’admiration.
Ce n’est là qu’une présentation sommaire de cette exposition qui mérite vraiment le déplacement, étant l’une des nouveautés artistiques que la Galerie Aïn ne cesse de nous présenter à travers les jeunes générations d’artistes qui méritent tous les encouragements et ce, grâce aux efforts fournis par Mohamed Ayeb, maitre de céans, pour la promotion des arts plastiques en Tunisie.
Hechmi KHALLADI