Mercredi 02 juin a eu lieu une rencontre avec Nefissa Wafa Marzouki autour de son dernier recueil de poésie « La Toile aux yeux d’or », au Club de la Francophonie au siège de l’Union des Ecrivains Tunisiens, sous la direction de l’écrivain Habib Falfoul. Etaient présents à cette rencontre Badreddine Ben Henda, Naziha Briki et Hechmi Khalladi. Un public averti, formé d’écrivains, de poètes, de romanciers, de critiques littéraires et d’artistes ont assisté à cette table ronde et ont enrichi le débat par leurs interventions.
Nefissa Wafa Marzouki a pris la parole pour présenter les raisons pour lesquelles et les circonstances dans lesquelles elle a écrit et publié son dernier recueil. Les communications se sont poursuivies successivement avec Naziha Briki, Hechmi Khalladi et Badreddine Ben Henda.
M. Habib Falfoul a indiqué dans son exposé que le recueil était empreint de diversité plutôt que d’uniformité. « Après avoir lu et relu le recueil, a-t-il précisé, on peut dire que le style de l’auteure, en vers ou en prose, est bien travaillé. Elle prend soin de rechercher les mots les mots les plus appropriés et les plus éloquents pour exprimer sa verve poétique. De plus, dans ce recueil, elle fait dialoguer différents arts, à savoir la poésie, la peinture et le théâtre… »
Mme Naziha Briki a, quant à elle, insisté sur le militantisme et l’engagement de Nefissa Wafa Marzouki depuis qu’elle était membre de la Constituante. : « En lisant les mots de ce poèmes, je suis devant des mots qui dansent, des vers légers. Partout, il n’y a que l’amour, l’amour de la famille, des parents, des enfants, de sa ville natale Jendouba, l’amour de la patrie… »
Quant à Bedreddine Ben Henda, il a fait remarquer, entre autres, la tendance chez N.W. Marzouki à dater chacun de ses poèmes : « on peut en dire autant, sinon plus, du reflexe dateur chez la poétesse. En bas de chaque texte, accompagnant le nom de Wafa, une date est immanquablement précisée ! Et presque systématiquement, un lieu est cité comme pour ancrer le poème dans l’Histoire des hommes et dans celle de l’Univers que ces derniers peuplent. C’est que les poèmes de N.W. Marzouki se lisent aisément à travers le paratexte qui les encadre et qui, souvent, en oriente la lecture et l’appréciation… »
Un débat intéressant et passionnant a eu lieu parmi les assistants qui ont soulevé plusieurs points, concernant l’écriture poétique, vue à travers le concept de l’interartialité et le paratexte. Rappelons que les poèmes de ce recueil sont accompagnés par des photos, des tableaux de peintures, des indications de dates et de lieux. La discussion a porté, entre autres, sur la question : « Dans quelle mesure ces éléments paratextuels aident-ils le lecteur à décoder un texte poétique ? »
Voici ma communication lors de cette rencontre autour de ce nouveau recueil « La Toile aux yeux d’or » :
La Nature, l’Homme et les Arts
J’ai ainsi intitulé mon exposé car c’est autour de ces trois axes que s’articulent les thèmes abordés dans ce recueil de poésie.
Nefissa Wafa Marzouki vient de publier chez Arabesques, un recueil intitulé « La Toile aux Yeux d’OR ». Il s’agit d’un nouveau recueil de poèmes au style léger, pur et élégant … En taquinant la muse, la poétesse nous offre des vers et des proses d’un très bon goût. Un bouquet de textes qui évoquent la vie, l’amour, la nature, le temps, l’espoir, les souvenirs, et qui mettent en scène le dépassement des peines et des chagrins pour pouvoir regarder vers l’avenir. De même, dans ce recueil, la poétesse nous révèle sa passion pour les arts et pour la peinture en particulier.
Le recueil est doté d’une couverture représentant un magnifique portrait de femme réalisé par l’artiste-peintre Amina Bettaieb. D’autres toiles agrémentent le recueil, appartenant respectivement aux artistes-femmes Marie Farhat, Myriam Garali et Nadia Chouk. Coexistence de la poésie et de la peinture. Si la poétesse s’intéresse à ces deux arts, c’est qu’ils cherchent tous deux, par leurs moyens propres, à traduire une impression du réel ou à voir autrement ce qui est visible. Les deux offrent des images qui généralement s’opposent à la réalité, en créant des mondes merveilleux qui favorisent l’évasion loin des contingences du monde, et offrant la possibilité d’espérer et de rêver.
Ce recueil compte plus de 80 textes écrits en vers ou en prose poétique traitant de plusieurs thèmes ayant un rapport avec le présent, le passé et l’avenir aussi. Des textes courts, riches en images et en sentiments profonds. En dénonçant une réalité amère, celle de la situation actuelle en Tunisie, la poétesse partage ses souffrances avec le lecteur, tout en éveillant chez lui la volonté et l’espoir en vue de transformer et d’améliorer la vie. « La rose rouge avança, respira/ Et chuta au dernier pas/ Sur les gravats, elle croula/ Elle se releva/ Obstinée et décidée/ Une autre éclosion/ Germination/ Floraison/ Malgré les épines des malfrats, / malgré le vent et les taches de sang… » P : 20
La poétesse s’indigne contre le terrorisme et condamne les actes terroristes perpétrés chez nous et ailleurs, tout en rendant hommage aux victimes : « Tuerie/ Course morbide/ Feux grisés/ Corps broyés/ Suaires apprêtés/ Nuit/ A Palmyre, à Cyr, au Bardo, non leur dernier assaut ! » De même, on retrouve à la page 57 l’expression d’une pensée pour deux bloggeuses, militantes et activistes tunisiennes, Lina Ben Mhenni et Abir Ghazouani que la poétesse tient toujours présentes à l’esprit. C’est en ces vers que la poétesse leur rend hommage : « Vous Fleurs de la Résistance/ Et de la Transparence/ Le soleil en aparté/ Dore vos corps musclés/…
Un autre poème est dédié à la militante feue Maya Jeribi en page 85 où elle s’exprime avec beaucoup d’émotion : « L’oiseau ne chante plus et le vent ne remue plus sa plume fleurie/ Tout pâlit/ Repose-toi Maya/ La reine-lys de la Tunisie. » De même, elle évoque le mauvais souvenir des bébés morts étouffés à la maternité en s’exprimant avec beaucoup de douleur : « Ciel bleu foncé aux couleurs de mon cœur endeuillé/ Roses fanées / Violon brisé/ Printemps usé/ Sourire fermé/ Page froissée/ A cause des douze bébés décapités/ Dans le sein étouffé/ de la salle d’urgence lassée ! P : 61
Exaltée, elle exprime des moments de simple bonheur dans le poème « Simplement heureuse » P : 55 où on peut lire « Avec ma verveine achetée à la marchande-reine/ Avec mes coquillages zébrés sur la plage collectés/ Royalement heureuse/ Avec mon récital matinal/ et ma robe artisanale/.
Dans le poème intitulé « Mon printemps », la poétesse nous invite à découvrir son petit jardin qu’elle nous décrit ainsi : « Mon jardinet sourit/ A la naissance/ De mes bleuets/ Au pied de/ Mes bougainvilliers/ De mon citronnier/ Et de mon rosier/ Tous habillés/ de bleue gaieté » P : 65.
Elle nous fait également partager ses petits bonheurs dans le poème intitulé « Matinale » à la page 71. Nous découvrons aussi sa passion pour la peinture en page 73 lorsqu’elle écrit : « C’est si beau de peindre/ Ses halos en vert d’eau/ C’est si beau d’aimer/ Mon tableau apaisé/ Au Bardo/ Tel Picasso ». Pour elle, poésie et peinture se croisent et se complètent : les deux arts célèbrent la beauté, l’amour et glorifient la joie et le bonheur, mais aussi elles dénoncent les maux qui rongent l’individu ou la société.
Quelques poèmes sont consacrés à la description des paysages du pays et révèle l’intérêt que porte la poétesse pour la nature et l’écologie, comme dans les poèmes « Mon jeu d’eau » P : 41« Mon lac de fleurs et d’émotion » P : 75, ou encore « Noir sur blanc » P : 78. D’autres thèmes occupent une bonne place dans ce recueil, ayant trait aux souvenirs de la poétesse, ses moments de joie, ses préoccupations, ses convictions, son appel à l’amour de la nature et à la solidarité entre les hommes et surtout son espoir en l’avenir.
Hechmi KHALLADI