Je crois avoir donné ce même titre, emprunté à un recueil de poèmes du Marocain Mohammed Khaïr-Eddin, à une chronique ancienne, datant peut-être de la première année des événements qui ont secoué le bassin méditerranéen, surtout du côté sud, en l’occurrence 2011. Si ma mémoire ne me trahit pas, ce devait être à l’occasion du référendum décidé par le Roi Mohamed VI, le 1er juillet 2011, un acte qui, pour certains observateurs, aurait évité à son pays de sombrer dans les effets les plus sensibles d’un « prétendu printemps arabe », en l’occurrence le cafouillage idéologique et social et la déstabilisation de l’économie en général.
J’avoue avoir le cœur triste, chaque fois que j’entends quelqu’un, dans mon pays, présager l’année 2030 ou plus, pour un retour de la Tunisie aux chiffres de son développement en 2010. Non par une naïve nostalgie pour un passé idéalisé malgré ses manquements à ce que nous pouvions et devions mieux être ; mais du fait de tous les ratages évidents et de toutes les félonies politiques ayant dénaturé et détourné un événement sociopolitique qui aurait pu être salutaire pour le pays dans sa marche vers le développement et la démocratie associés.
Revenons au Maroc qui vient de réaliser un exploit footballistique, le premier pour un pays arabe en coupe du monde, en l’occurrence une qualification bien méritée, face à l’Espagne s’il vous plaît ! Ce n’est certes pas le seul exploit à mettre au crédit du pays frère, mais celui du 6 décembre 2022 vaut particulièrement par le sentiment de fierté salutaire de ces « damnés de la terre » que semblent représenter les peuples arabes pour les observateurs du monde. Oui, les peuples arabes se sont ligués, au Qatar 2022, derrière l’équipe marocaine qui a fini par faire l’effet d’un symbole d’union, d’hospitalité à l’autre considéré comme un autre soi-même, de solidarité affective faute de don substantiel ! Un bonheur partagé, sans classes, ni sectes, ni idéologies ! Une union des différences sur la base d’une plateforme unificatrice : un exemple à offrir aux populations du monde ! Merci le Maroc d’avoir fait ce qu’il faut pour le concrétiser et de l’avoir fait valoir comme la promesse d’un avenir meilleur !
De ce fait, quel que soit le résultat du match d’aujourd’hui dans lequel le Maroc affrontera le Portugal en quart de finale de la coupe du monde, cette sensation heureuse et ces sentiments fédérateurs ne doivent nullement nous faire défaut ; ils doivent réhabiliter dans notre conscience collective ce besoin d’union aux autres dans le besoin d’un humanisme renaissant pour lequel le sport en général, le football surtout serait une école. Cette conscience vaudrait pour l’universel humain, comme un idéal difficile mais toujours attrayant et mobilisateur ; elle vaudrait surtout pour des peuples dont la proximité prédispose à l’initiation de cette démarche unificatrice, à leur échelle, pour informer peut-être d’échelles plus grandes.
Je parle du Maghreb ! En effet, sur un fond de heurts et de blessures non encore dépassés, les peuples du foot se sont unis derrière une équipe portant leurs espoirs. Aussi simple, banale même, que paraisse cette situation, elle devrait constituer un amer brillant contre les tensions amères et orienter la marche et les énergies volontaires vers une pacification des rapports, dans un esprit de respect de l’éthique sociétale et du développement solidaire.
« Ce Maroc », aujourd’hui, me rappelle une phrase de Mohammed Khaïr-Eddin : « La liberté est au bout d’une feuille de papier ». Je la réarrangerais et lui ajouterais une phrase parallèle pour faire un diptyque poétique :
Liberté au bout d’une feuille de papier…
Balle est la liberté au bon bout de ton pied.