Cela fait longtemps qu’on parle, chez nous, de la nécessité d’un changement radical de notre société pour que changent nos affaires et notre situation. Et en bons musulmans que nous sommes, nous ne manquons pas d’évoquer le verset de référence à ce propos : « Dieu ne change pas la condition d’un peuple tant qu’il n’a pas changé ce qui est en lui-même ». Cependant, tout le monde ou presque prend de travers cette devise, pourtant inspirée de la parole divine ! Tout le monde ou presque exige le changement des autres et ne se pose pas la question de son propre changement.
En effet, on ne le voit que trop ces derniers temps, nos responsables politiques, de quelques bords qu’ils soient, n’arrêtent pas de diaboliser leurs adversaires respectifs, au point de les transformer en ennemis mortels, dignes des pires achèvements. Du coup, le pays n’inspire plus ce confort minimal, celui de se sentir vraiment chez soi, dans un espace convivial et dans un esprit de communauté. Chacun pour soi… Après moi le déluge ! Cela est certes déplorable et d’aucuns lui trouvent même des justifications du genre : « C’est ça la politique : assassin ou assassiné ».
Voilà de quoi relever l’urgence d’une mise au point quant au sens à donner à la politique : si celle-ci est commandée par la volonté de puissance, elle peut conduire à toutes les aberrations ; mais si elle a pour dessein de servir la communauté pour un meilleur vivre-ensemble, elle ne saurait s’accommoder d’aucun des moyens ni des comportements constatés autour de nous chez presque tous ceux qui s’en réclament.
Dans le premier cas, celui qui a la commande est considéré comme le diable à abattre. Même s’il essaie de bien faire, il y a toujours des forces rivales qui se mobilisent pour dresser devant lui les pires obstacles et chercher à dérégler le fonctionnement de sa stratégie, afin de conclure à son échec cuisant et à son incompétence caractérisée. C’est que dans cette façon de voir la politique, la seule logique qui vaille est celle de « ôte-toi de là que je m’y mette » et la seule société concevable est celle de « l’homme est un loup pour l’homme ».
Dans le second cas, qu’importe celui qui est à la conduite des affaires de l’Etat, tout le monde participe de façon constructive au développement solidaire et partagé et le pouvoir n’est pas le souci premier, finissant généralement par une alternance pacifique tacitement ou automatiquement gérée par la logique démocratique. Dès lors, la course n’est plus à qui parle plus et mieux et à qui réussit à embobiner le maximum d’électeurs, démagogiquement désignés comme le peuple, mais à celui qui fait mieux et qui a plus d’apport au bien-être collectif, de quelque posture qu’il agisse et de quelque statut qu’il se reconnaisse.
Toujours est-il que ce changement espéré n’est pas du devoir des politiciens seulement ; il est une nécessité citoyenne et implique la responsabilité de chacun. On dirait alors : Changez le citoyen, la société changera et la politique aussi.
(Publié aussi dans jawharafm.net)