Il nous a été donné de souligner, comme plusieurs avis citoyens, que la situation actuelle de la Tunisie et la gravité du moment historique qu’elle vit, sur la voie de la conception et de la construction de son avenir, sont d’une telle importance et d’une telle responsabilité qu’il devient du devoir de chacun de raison garder et d’éviter de creuser davantage les fosses des conflits et d’attiser leur feu destructeur. Malheureusement, certaines voix politiques s’obstinent à animer les polémiques et à les conduire dans un langage qui frôle l’incorrection et s’inscrirait dans l’insulte et la diffamation, insensibles aux exigences éthiques, même et surtout dans le discours politique. D’ailleurs, à les examiner de près, ces discours ont un esprit plus apparenté à celui de la dictature qu’à celui de la démocratie dont ils font le refrain inlassable et le pain quotidien.
Est-ce à dire qu’il est impossible de penser et de faire de la politique dans un esprit de sérénité, dans la conversation calme, rationnelle et constructive ? Nous ne le croyons pas, nous pensons plutôt que la voix de la sagesse reste toujours vivace dans le cœur et dans l’intelligence humaine, pour peu que les citoyens – leurs élites surtout – en défendent et en développent l’intérêt et la nécessité. C’est dans cette conviction – et sans nulle appartenance partisane, ni même son intention – que j’ai écouté Abid Briki dernièrement, sur les ondes d’une radio privée, tenir un discours digne d’attention, peut-être en avant-goût de ce que son parti allait déclarer officiellement le lendemain.
Je précise d’emblée que je n’appréciais pas Abid Briki du temps de son implication aussi bien dans la Haute instance de 2011, responsable de plusieurs mauvaises appréciations, que du temps de son engagement dans le gouvernement de Youssef Chahed, dont on sait ce qui a découlé. Mais je pars du principe qu’un citoyen en général, ou même un acteur politique, peut réviser sa pensée et moduler ses engagements en fonction du contexte et de l’intérêt qu’il voit pour son pays et pour ses concitoyens. En effet, tous ceux qui sont restés aveuglement et inconditionnellement liés à des idéologies rigides ont fini avec des yeux qui regardent sans voir et avec une voix qui crie sans quelqu’un pour l’écouter. Des exemples assez éloquents ne manquent pas en Tunisie. C’est pourquoi j’ai trouvé, personnellement, une raison certaine dans les derniers propos du secrétaire général du parti « Tunisie en avant », des propos dont les médias, d’ailleurs, n’ont rapporté que l’appel à l’élaboration de la loi électorale.
Je crois au contraire que ce qui est plus essentiel à retenir dans la conversation radiophonique avec A. Briki, c’est justement cet appel à la conversation autour d’intentions claires de collaboration solidaire invitant toutes les parties, au pouvoir ou dans son soutien, dans l’opposition, dans la société civile ou ladite « indépendance », à dépasser au moins provisoirement les sources des conflits actuels et de remettre l’État en marche normale à partir d’un consensus minimal, à même de constituer une plateforme de base pour l’action et la construction, surtout dans les secteurs économique et social. De ce point de vue, A. Briki a essayé de répondre à toutes les questions « chaudes » du point de vue de sa démarche conciliante. Sans nulle propagande politique, il serait bon d’y jeter un coup d’œil de près et d’y songer sincèrement, surtout que son parti n’entend pas, comme d’autres, se proposer en chef de file, mais en simple collaborateur à un large échange de sauvetage. Peut-être alors l’UGTT, comme précédemment proposé ici et ailleurs, sera-t-elle la plus à même de conduire cette opération d’un haut intérêt national.