Hier matin, un cafouillage monstre s’est produit au niveau du croisement en contrebas de l’hôpital de la Rabta et en direction de l’hôpital Charles Nicolle. Toutes les voitures voulaient passer en même temps, envers et contre les feux de signalisation qui (miracle!) n’étaient pas tombés en panne. Il a fallu qu’interviennent deux agents très calmes et très patients pour désengorger les lieux en moins de cinq minutes.
En fait, il en est ainsi partout à Tunis et dans d’autres villes du pays. Aux heures de pointe, bien évidemment, et même en dehors de ces “rush hours”. Trop de voitures, et trop de conducteurs indisciplinés, le mal est sans doute là. Nous en sommes encore à vénérer la voiture et le volant. Nous rêvons tous de voiture et nous n’arrêtons pas d’en acheter, des neuves et des vieilles. Par milliers chaque année, sans en prendre réellement soin et sans en modérer l’utilisation.
Tous les jours, les villes en sont encombrées, chaussées et trottoirs; les routes et les autoroutes en pâtissent, l’air en étouffe et les humains en meurent ! A Paris, capitale touristique mondiale de plusieurs millions d’habitants, la tendance est aux vélos et aux trottinettes en ce moment. Des milliers de jeunes et de moins jeunes y circulent sans polluer l’air et sans provoquer de bouchons. Les pistes cyclables sont partout et les conducteurs des bus, des taxis, des tramways et des voitures particulières laissent la priorité à la génération “vélib” et trottinette. Intra muros, on ne déplore aucun accident grave causé par ces bicyclettes et ces “jouets” inoffensifs et proprets. On ne les vole pas, on les admire quand ils sont garés sur moins d’un mètre carré.
La génération vélib et trottinette n’est pas encore née chez nous ! L’avènement de la voiture électrique n’est pas pour demain non plus, sous notre ciel tunisien. C’est le volant qui fait toujours fureur ici. On ne se sent pas HOMME quand on ne conduit pas de voiture. Le prix des carburants a beau galoper, celui des voitures a beau grimper toujours plus haut chaque saison, nos compatriotes rouleront en voiture, iront au travail et en reviendront au volant de leurs voitures, sortiront en promenade à quatre roues, atteindront l’épicier et le boulanger du coin à bord de leur Mercedes ou même d’une 404 bâchée !
Si vous croisez une bicyclette roulant dans une rue tunisienne, il ne peut s’agir que d’un cas exceptionnel de citoyen suicidaire qui “ose” empiéter sur le territoire exclusif des “motorisés”! Idem pour celui qui “ose” marcher, même sur le trottoir qui lui est en principe réservé ! Que dire alors du jeune “écervelé” qui sillonnerait la ville ou le quartier en trottinette : il (elle) joue sur la route, il n’a pas encore grandi ni mûri, l’inconscient, l’enfant gâté, mal éduqué, pas civilisé, le faux rejeton qu’il faut verbaliser et mettre en taule!
Pourtant, il ne heurte personne, le “trottineur”, il ne blesse personne, ne tue personne avec son “jouet”. Ce sont les autres, les “motorisés”, les “voiturés” qui tuent, et qui fuient après avoir tué ! Ils se font tuer aussi, les “motorisés”. Car la génération “motorisée” conçoit la cité et ses artères comme une arène, comme une corrida, comme un champ de bataille où il faut tuer et s’entretuer ! Les accidents y sont devenus chose banale, ordinaire, sans gravité. Au pire, les Assurances paieront les dommages ! La génération vélo et trottinette n’est pas assurée, elle ! Le sera-t-elle un jour, chez nous ?