La voici donc l’action tranchante de Kaïs Saïed ! Nous l’avions souhaitée, attendue et finalement accueillie avec le même espoir que nous n’avons jamais perdu dans notre pays et dans sa capacité à sortir des impasses pour un épanouissement ouvert, aéré, interactif et constructif. La voici exprimée cette action dans la désignation, en la personne de Hichem Mechichi, d’un président chargé de former le nouveau gouvernement.
Certes, on est encore au premier pas de la nouvelle démarche et il serait maladroit, comme dit le proverbe, « de crier victoire avant d’avoir gagné ». D’ailleurs la logique est-elle vraiment une logique de victoire et de défaite ? Si oui, à qui reviendrait la victoire et à qui la défaite ? Disons-le d’emblée, si les acteurs politiques, toutes structures et personnes confondues, se situent dans la logique de qui l’a emporté sur l’autre ou de qui cherche à l’emporter, nous ne sortirons pas de l’auberge des petits calculs politicards et nous risquons d’y laisser nos chances et nos opportunités d’un avenir meilleur. Au contraire, si nous nous plaçons tous dans la logique d’un nouveau chemin à tester après l’inaboutissement des précédents, nous serons dans la seule victoire qui vaille, celle d’une société dans sa lutte contre le temps, contre les pressions et contre les aléas des tractations. Nous serons dans la victoire d’un pays fier de ses acquis et réformateur de ses stratégies fragiles, fier de ses compétences et soucieux d’en former davantage.
Dans le cadre strict de ses prérogatives constitutionnelles, Kaïs Saïed, un homme du droit, a pensé sa démarche pour essayer de panser les blessures d’une gouvernance par trop fragile pendant la dernière décennie, en raison de creux constitutionnels et de mise à plat des structures et de l’esprit de l’Etat. Il a d’abord révisé la méthode : en effet, la consultation des partis ou des blocs parlementaires n’est pas contraignante dans le cas de figure qui nous concerne, celui de l’ultime désignation d’un chargé du nouveau gouvernement. Elle est seulement indicative et surtout instructive car, à lire les 21 propositions avancées, il y avait des leçons à tirer et des indications à prendre en compte. Et c’est chose faite.
Ainsi, libérer le nouveau gouvernement des pressions étouffantes de l’aliénation partisane est un coup de maître et un défi heureux pour le président de la République en cet instant grave et nodal de notre histoire. Il a osé et décidé en conséquence, dans le plein respect de la constitution et des institutions, loin des parlottes anarchiques et des discours fleuves empoisonnés par une démagogie nuisible, voire meurtrière. Il a choisi et fait un bon choix, à la lumière des premières données. Il reviendra à présent à H. Mechichi, en coordination avec le président et dans l’esprit de sa stratégie, de donner suite à celle-ci et de lui fournir les conditions du succès.
Il y aura sans doute des opposants à cette démarche et on en a entendu certains. Qu’importe car cela est inévitable et ceux-ci sont tellement marqués politiquement que leur opposition ne saurait être mobilisatrice. Par contre, ce qu’il faut retenir avec une satisfaction certaine, c’est le bon accueil exprimé par certains partis et groupes parlementaires dont on peut ne pas partager toutes les idées mais qu’on ne peut que respecter pour leur sérieux et leur sincérité vis-à-vis de l’intérêt commun. Le soutien des syndicats et des structures sociales ne tardera pas à venir, nous semble-t-il.
Mais, disons-le encore, le soutien civil à cette nouvelle démarche est capital. Aussi scanderions-nous de nouveau : « Associations civiles et citoyens de notre pays, unissez-vous sur ce nouveau chemin, pour une rapide sortie de la crise et une aussi rapide reprise de la dynamique de développement ».