« Le monde de l’ensauvagement » est une expression que je calque sur la notion de « l’ensauvagement de la société », cette expression née avec le XXIe siècle. Evidemment, le mot en soi, « ensauvagement », est déjà en usage dans la langue française depuis le milieu du XIXe siècle, même si ses racines semblent lointaines, jusqu’au Moyen-Âge au moins. Un âge depuis lequel maintes notions en ont été tirées ou inspirées, toujours en rapport à l’étranger considéré comme un sous-produit de l’évolution civilisationnelle.
N’empêche que les Lumières de la Renaissance et leurs prolongements (Lumières du XVIIIe siècle et tout ce qui relèverait de la modernité) ont déjà attiré l’attention sur ce qu’on a appelé « le mythe du bon sauvage ». Mais si ce dernier semble désigner un état louable de l’individu en socialisation, l’ensauvagement est, de par sa structure lexicale, un processus qui conduirait le comportement particulier blâmable à marquer petit à petit le comportement général au point de devenir une caractéristique sociétale. C’est ce qu’on a fini par appeler « l’ensauvagement de la société », dans le discours politique surtout, « pour dénoncer une progression, perçue comme telle, de la violence et de la délinquance dans la société ».
Or voilà qu’un crime comme celui perpétré récemment à Nanterre oblige à s’interroger s’il faut l’inscrire dans l’ensauvagement de la société, en pensant au « délinquant » qui n’a pas obtempéré au contrôle de police, ou le mettre à l’ordre d’un monde de l’ensauvagement, puisque c’est l’institution qui serait génératrice de violence, d’où sans doute les mouvements de protestation contre le meurtre d’un adolescent, aussi marginal soit-il, par un agent de l’ordre. Ce qui est rassurant, d’un certain point de vue, c’est la position officielle de l’Etat français qui s’est exprimé contre cette violence meurtrière, la classant dès lors à l’ordre de l’individuel et non de l’institutionnel. On reste alors dans l’ensauvagement de la société.
Sauf que, la même semaine, un autre cas est à l’ordre du jour, dans un pays qu’on croyait pacifiste, serein et d’intelligente démarche de démocratisation. Il s’agit de la Suède, souvent perçue comme un pays de rêve, de séduction, de liberté et de sérénité, par les citoyens du sud de la Méditerranée et d’autres pays où la vie leur paraît difficile ! Là, « un Irakien de 37 ans ayant fui son pays pour la Suède, a piétiné le Coran à plusieurs reprises avant d’y glisser des tranches de bacon et d’en brûler quelques pages » ! On serait encore dans l’ensauvagement de la société si l’acte était isolé et de libre initiative réfractaire de la part de cette personne. Mais on découvre que l’acte a été institutionnellement « orchestré » comme un spectacle du droit à la liberté ! C’est donc l’Etat qui a autorisé un tel acte et qui le soutient. Et voilà que deux nobles valeurs, Droit et Liberté, sont montés, tels des chevaux de guerre, pour s’attaquer à tous les ennemis politiques. Deux mots auxquels il manque un troisième sans lequel la combinaison démocratique est « fausse et non avenue » ; c’est le mot « respect ».
Autant le dire en conclusion, c’est le respect réciproque qui prime sur toutes les conditions de sociabilité et du vivre-ensemble, et c’est dans son cadre que toutes les autres règles s’inscrivent parce qu’il est normalement le géniteur et le protecteur de toutes les autres. Cela est vrai aux niveaux individuel, micro-sociétal et universel. Et tout le reste est littérature.
(Publié aussi par jawharafm.net)