Il y a des gens (dont je fais partie) qui ne comprennent les choses que quand on leur fait un dessin, c’est-à-dire qu’on leur parle en termes concrets, avec des mots et des images simples, avec le moins possible de détours. Jusqu’à une date récente, la notion de “populisme” m’était encore vague, imprécise et presque ambiguë. Idem pour nombre de mes amis qui, hélas, n’ont toujours pas idée de ce que c’est que d’être populiste.
Ce matin, j’ai eu une illumination sur le sujet : c’était devant le présentoir d’un kiosque de journaux. Parmi les titres exposés, il y avait (chose rare) l’hebdomadaire de l’UGTT baptisé “Echâab” (Le Peuple) ! Voilà un journal qui porte très mal son nom puisque depuis plusieurs décennies maintenant, et à part quelques administrations et individus dont l’abonnement est comme forcé, personne ou presque au sein du “peuple” tunisien (qui compte -soit dit en passant- 12 millions d’âmes) ne l’achète volontairement et avec ses propres sous. C’est donc un exemple concret de populisme qui en rappelle un autre : celui du “Mouvement du Peuple”, حركة الشعب parti politique nassérien (nationaliste arabe).
C’est une formation tunisienne qui n’a jamais prouvé sa popularité, surtout pas lors des diverses élections organisées après 2011. Sa représentation au Parlement a toujours été très réduite, sinon dérisoire ou tout simplement nulle. Aucun de ses “leaders” ne suscite de bains de foule à son passage, et le seul d’entre eux à avoir acquis une relative célébrité (posthume, faut-il le préciser), il ne la doit qu’à son assassinat par des terroristes le 25 juillet 2013. Il s’agit bien évidemment de Mohamed Brahmi. Un parti politique qui s’appelle “Le Mouvement du Peuple”, qui se réclame du Peuple mais qui ne suscite aucun mouvement parmi ce Peuple, c’est un autre exemple concret et vivant de populisme.
Toujours dans le domaine politique, le mouvement “Le Peuple veut” الشعب يريد – non officiel jusqu’à nouvel ordre (et qu’on étiquette comme le parti du Président) vient d’essuyer une cinglante gifle à l’occasion du référendum du 25 juillet dernier. Moins de 25 % des électeurs ont approuvé la réforme du Destour, laquelle réforme est largement, voire inconditionnellement soutenue par “Le Peuple veut”. Quand 75% du “Peuple” ne vous suit pas, “ne veut pas” vous suivre, vous n’avez pas le droit de parle au nom de ce peuple. Vous pouvez seulement discourir en parti ou en militant populistes.
C’est comme Hamma Hammami, fondateur d’un Parti des Ouvriers sans ouvriers ! En effet, combien l’ancien POCT peut-il compter d’adhérents, et combien parmi ces derniers sont-ils des ouvriers ? Une poignée ! Toutes les élections l’ont démontré, et le chef inamovible Hamma n’a récolté dans ces différents scrutins que très peu de voix d’ouvriers ! Il en va de même du “Front Populaire” dont le Parti des Ouvriers faisait partie aux côtés de huit ou neuf autres groupuscules politiques de Gauche (croit-on !). Au parlement, ils n’ont pu obtenir que 15 sièges sur 217 en 2014 ! Lorsque vous n’occupez que 15 sièges (cela n’est arrivé qu’une seule et unique fois) dans l’Assemblée des Représentants du Peuple alors que vous êtes du Front dit “Populaire”, il n’y a pas de quoi pavoiser ! Et si vous jubilez quand même, c’est cela aussi le populisme !!!