Le succès est moins un état qu’un processus. Ce processus est d’abord linguistique, voire lexical. Le mot « succès » a commencé par désigner un « résultat favorable ou défavorable d’une entreprise, d’un événement ou d’une situation ». Ses principaux synonymes sont « issue » et « fortune », comme dans « succès funeste », « heureux succès ». Ce mot a, ensuite, désigné « avantage, issue favorable ». Il s’emploie à propos d’une personne, pour désigner le « fait d’aboutir au résultat escompté, d’atteindre le but recherché ». Le succès peut, à cet effet, être qualifié de : beau, brillant, prompt, réel, vif… On espère l’obtenir et le remporter. Il décuple l’énergie et exalte l’enthousiasme de la résilience ; la patience et la persévérance en sont les premiers éléments. Pensons et imaginons le succès, et nous réussirons. Le succès suit la réussite et annonce la gloire. La réussite peut durer, mais elle finit par s’effondrer ; le succès, lui, est accueilli avec les honneurs : il dépend de l’approbation des gens, et peut rester longtemps dans leur mémoire.
Le mot « succès » peut, du point de vue logique et sémantique, être mis en rapport avec le nom « issue » et le verbe « succéder ». L’issue est la « manière dont on sort d’une affaire, la manière dont une chose arrive à son terme. » Elle se rattache à l’idée d’ « ouverture offrant la possibilité de sortir d’un lieu », d’où la locution prépositive « à l’issue de », au sens de : « en sortant de, à la fin de… ». Le succès est, quant à lui, l’ « action de pénétrer dans un lieu. » Le mouvement de l’ « issue » est centrifuge , celui du « succès » est centripète. En latin classique, « succéder » signifiait « aller de bas en haut, gravir, monter, aller près de, au pied de, venir à la place de, remplacer », et, par conséquent, « aboutir à tel résultat. » Reprenant un autre sens du latin, ce verbe a signifié « parvenir à un titre, à une dignité, après quelqu’un, de manière à prendre son crédit et sa faveur. L’évolution sémantique du verbe « succéder » ressemble à celle du non « succès ». Avant de désigner l’aboutissement heureux d’un fait, « succéder » a désigné un résultat, qui peut être favorable ou défavorable. Son sens actuel est concurrencé par celui du verbe « réussir »
Le succès est un procès, puisqu’on peut aller, marcher, voler de succès en succès. « Va, cours, vole », réussis et impressionne ! Tandis que certains volent de succès en succès, d’autres vont de Scylla en Charybde. Ceux-là respirent le bonheur, ceux-ci tombent la tête la première dans la fange de la vilenie, de l’opprobre et l’ignominie. Laids et horribles, les pauvres ! Fi donc ! Leur mal est incurable. Laissons-les…. Et revenons à l’essentiel, au succès, à cette marque d’intérêt et de distinction. Le succès peut mener au renom, à la célébrité éclatante, au triomphe, à la gloire.
« J’ai éprouvé que quand un homme a du succès, les jaloux sont les plus fervents à le féliciter ; ainsi la bassesse de la jalousie se trahit toujours soit par la réserve dépitée, soit par les empressements serviles. » (Sully Prudhomme, Journal intime). Les félicitations sincères émanent du cœur et vont droit au cœur.
Pour ce qui nous concerne : nous poursuivons notre petit bonhomme de chemin. Imperturbable, de succès en succès, d’espoir en espoir, de poème en poème, de beauté en beauté. « Ce qui fait la nuit en nous peut laisser en nous des étoiles. » (Victor Hugo). Le reste ? Vanité, puisque notre bonheur est inouï…