Nous voici à l’entrée du mois de ramadan, chacun muni de son degré de foi et d’étendue de son interprétation du texte religieux ainsi que de sa façon de s’y accommoder. En effet, l’interprétation du texte religieux, limité au Coran pour certains et englobant tout le référentiel de l’exégèse pour d’autres, crée souvent, surtout à des moments particuliers de l’Histoire, des tensions qui peuvent conduire très loin dans la gestion de la polémique en cours, jusqu’aux conflits les plus violents, meurtriers même !
Il y a bien lieu de regretter de tels dérapages quand on sait que toute religion est censée être d’abord et surtout une incitation à s’inscrire dans le système des valeurs humanistes les plus hospitalières, les plus respectueuses et les plus solidaires. Qu’importe donc dans l’Islam, exception faite de la foi en Dieu, que l’on comprenne différemment certains passages du Coran liés à la vie en société : il est ainsi conçu pour inciter l’interrogation intelligente et l’enrichir de la valeur d’humilité. De fait, à vouloir résumer très brièvement toute religion, on dirait qu’elle a deux principes de base : croire en Dieu et faire du bien.
Pourquoi donc certains croyants veulent-ils s’ériger en harceleurs ou en agresseurs de ceux qui pensent autrement qu’eux leur religion et l’interprétation de ses références ? Dieu n’a-t-il pas dit que chaque individu est redevable devant Lui de tout ce qu’il aura commis et que Lui, le Seigneur Juste, en jugera comme Il l’entendra ? N’a-t-il pas enjoint au Prophète de dire à ceux qui ne le suivent pas : « Vous avez votre religion et j’ai la mienne » ? Tout cela porte sur l’essentiel, sur la foi.
Quant à certains détails, qui seraient de l’ordre du divers, de l’anecdotique ou tout simplement de l’interprétation, forcément relative qui qu’en soit l’auteur, elles sont à classer dans le patrimoine culturel, incitateur de la pensée plutôt que du fanatisme, inititeur d’une intelligence du vivre-ensemble malgré les différences et les divergences plutôt que des conflits et des guerres. Franchement, à écouter certains donneurs de leçons religieuses, on comprend pourquoi le monde arabo-musulman a perdu de ses Lumières intellectuelles pour se transformer en icône de terreur intellectuelle et physique. Dieu est Bon, il ne peut pas ne pas l’être ! Pourquoi donc ceux qui se croient autorisés à parler en son nom se comportent-ils de façon à le présenter autrement, aussi bien auprès de sa création humaine croyante ou de celle non croyante ?
Nul besoin d’énumérer des exemples de l’interminable liste de ces abus, nous les vivons partout et tout le temps. N’est-il pas temps de reprendre conscience de notre besoin urgent de nous inscrire dans la logique de l’Histoire et dans l’inaltérable mouvement du temps, qui est aussi le mouvement de l’Univers ? Ne devons-nous pas comprendre que certaines lectures religieuses répondaient à leur contexte, pour s’adapter à la conscience du peuple qui les vivait, et qu’aujourd’hui, nous sommes responsables de notre propre lecture qui ne saurait se confondre avec la lecture d’une personne, aussi géniale qu’elle se prétende, ou d’une secte, aussi proche de la vérité qu’elle voudrait nous le faire croire. Ce qui n’empêche personne de chercher à s’enrichir intelligemment des lectures des autres.
La gestion des sociétés est une affaire de citoyenneté d’abord ; elle peut s’inspirer de la littérature religieuse comme de toute autre donnée culturelle. Mais la foi en Dieu est une affaire du croyant avec Dieu, sans que personne d’autre ne s’en mêle. Au mieux, ce tiers « intrus » peut s’exprimer et expliquer sa façon de voir et de croire, de faire aussi pour lui-même et avec les autres, mais sans l’intention de commander l’être d’autrui. Pour se faire, il se doit d’opter pour l’esprit de conversation et son éthique qui constituent la meilleure façon d’être ensemble dans l’interrogation de l’existence pour un meilleur vivre-ensemble.
Bon et heureux ramadan pour nos lecteurs Musulmans !