Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’Etat tunisien est en péril. L’Etat existe dans les esprits de la plupart des Tunisiens qui ne sont absolument pas disposés à le voir s’effondrer. Ce que font certains partis politiques et la société civile, en tirant à ce sujet la sonnette d’alarme, est en soi un signe de bonne santé de l’Etat.
Je ne partage pas les partis-pris “apocalyptiques” affichés par les médias tunisiens qui sont devenus particulièrement anxiogènes et annoncent la fin d’une époque. De quelle époque s’agit-il ? Je les invite à lire les histoires des bouleversements radicaux qui ont secoué les sociétés humaines. Elles s’étendent sur des décennies, se ramifient parfois d’un siècle à un autre. Notre calvaire ne se réduira pas à quelques années, ni à la réforme du système électoral et encore moins à la modification de notre Constitution. Il durera encore plusieurs décennies et il faut que nous nous mobilisions dans cette perspective et avec cet état d’esprit.
S’il est vrai que notre pays se livre à une navigation aléatoire dont la destination est loin d’être perceptible, il n’en demeure pas moins que cet itinéraire est celui d’un apprentissage, d’un “enfantement” qui se fait dans la douleur et le tâtonnement. La Tunisie a fait son choix en 2011 et elle doit l’assumer jusqu’au bout. Ce changement ambitieux, pour avoir une issue heureuse, doit être géré avec souffle, vision progressiste, et une très grande capacité d’endurance. Cela donne bien entendu l’impression d’un pays ingouvernable et rend la tâche des gouvernements successifs extrêmement difficile. L’instabilité gouvernementale en est une conséquence logique et naturelle. On peut certes invoquer différents arguments pour la justifier comme la nécessité de recourir aux technocrates, ou le besoin d’impliquer les partis politiques et de les responsabiliser. Mais cela est un cercle vicieux car le résultat est le même et les gouvernements se suivent et se ressemblent dans la permanence et l’universalité du constat d’échec.
Les naufrages collectifs sont suivis de résurrections salutaires. Car d’une humanité dégénérée, corrompue, injuste, devraient naître, à terme, des hommes et des femmes plus sains, imbus des leçons de ces cataclysmes.
Les mythes et les différentes religions et même certains anthropologues l’ont clairement démontré.