Dans son traditionnel discours de Noël au Vatican, dimanche 25 décembre 2022, sa Bénédiction urbi et orbi, à l’intention « de Rome et de l’Univers », le pape François est revenu sur la calamité de la guerre, reprenant encore sa conviction que le monde est en train de vivre, à sa façon, une vraie « Troisième Guerre mondiale ».
Il a donné à cette guerre plusieurs aspects et des facettes variées allant des voix tonitruantes des armes, au bafouage des droits de l’homme et de la femme à l’égalité et à la dignité, ainsi qu’aux crises socio-économiques où la nourriture est devenue une arme de prise en otage de populations entières. A ce propos, il a évoqué dix pays : L’Ukraine, l’Afghanistan, « le conflit israélo-palestinien », le Yémen, la Syrie, la Birmanie, le Liban, Haïti, l’Iran et la corne de l’Afrique.
Noble tâche, sans doute, en référence à l’esprit de Jésus qui, en second commandement après l’amour de Dieu, enjoignait : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Personnellement, je ne peux que souscrire à de telles idées qui collent le sentiment religieux à la nécessité humaine plus actuelle que jamais d’une solidarité généralisée, même si j’y adhère plus quand elles sont portées par la conscience et l’action civile. Mais si la religion, n’importe quelle religion, contribue à sensibiliser les hommes à ce souci humain, jamais trop humain, et à ses valeurs inaliénables, pourquoi pas ? A condition que cette sensibilisation ne soit pas assujettie à des intentions de manipulation, de démagogie cultuelle, idéologique ou politique. Parlons donc plutôt d’éthique citoyenne, tant au niveau national qu’international, et n’impliquons pas Dieu, plus qu’il ne faut, dans nos atrocités, au moins pour ne pas ternir l’image que nous voudrions en avoir, à l’image de sa perfection.
Me voici déjà rédigeant une autre bénédiction, ou presque, bien n’en ayant aucun titre ; mais elle est la mienne, personnelle, que je voudrais bien partager avec qui voudrait y adhérer en bonne âme et conscience, sans nulle prétention de ma part à un quelconque rôle de guide spirituel, ni à l’indiscutable voix d’une vérité absolue. Tout juste une invitation à (s’)interroger et à se faire interroger, à converser pour un bout de chemin de vie avec les semblables, nullement hypocrites, mais frères dans la condition d’humanité.
Ainsi, puisque de bénédiction il s’agit, dans cette circonstance, je voudrais tant que ma Bénédiction ne soit pas « urbi et orbi », néo-romaine, autrement dit dans l’esprit de l’ancienne Rome, ni dans celui de toute autre capitale impériale. Je la définirais plutôt, ne serait-ce qu’à titre provisoire et analogique à contrario, comme une « Bénédiction JEROMEC & ORBI », secouant donc trois villes originaires du sacré monothéiste : Jérusalem, Rome et la Mecque.
Ma « Jéromec & orbi » appellerait ces trois foyers spirituels à se départir du caractère exclusif de la foi, à éviter surtout qu’au nom d’une morale exclusive, ils s’obstinent à forcer la croyance, plutôt que de la prendre pour une conviction individuelle, dans l’esprit d’un célèbre verset coranique, on ne peut plus signifiant, où Dieu dit à son Prophète : « Tu ne guideras pas qui tu as aimé mais Dieu guide qui il veut ». On peut ajouter également l’autre verset de même signifiance : « Vous avez votre religion et j’ai la mienne ». S’il est du droit de chaque religion de chercher à étendre son influence, qu’elle le fasse dans le devoir du respect de la liberté de choix de sa foi par chacun, le devoir du respect de la différence et surtout le devoir de croire vraiment que, pour un bon croyant, Dieu seul est le juste juge, le Juge juste des consciences des gens.
Quant aux hommes, ils doivent se respecter mutuellement, croyants de n’importe quelles religions, croyants et non croyants, dans le juste souci de consacrer la valeur et la dignité humaines, celles-ci étant inconcevables sans la considération de la différence et la consécration de l’altérité, dans un vivre-ensemble de la liberté et de la solidarité.