Il nous paraît évident que la plupart des citoyens et des sociétés sont en état de doute quant à toutes les structures et à tous les modèles de gestion de la vie sociétale, que celle-ci soit sous le label républicain ou sous celui des monarchies ou des oligarchies. Cela nous ramènerait à la situation originale d’il y a près de deux millénaires et demi, quand le besoin s’est fait sentir de concevoir la démocratie et à la situation qui lui a succédé, quelques siècles plus tard, avec la création de la République à Rome, les deux finissant dans une synonymie forcée à certains moments de l’Histoire.
Or nous voici aujourd’hui tentés, secoués même, par une question fondamentale : « Qu’avons-nous fait de notre Cité ? », au-delà même des différentes formes et des dimensions variées de sa considération ! Qu’il s’agisse de la petite cité agglomérée quelque part ou faisant part d’une macro-cité, ou qu’il s’agisse d’un Etat en quête de rapprochements intéressés avec le concept antique de la Cité, ou qu’il s’agisse aussi d’une nouvelle vision du Monde-Cité, il y a ce même souci de s’interroger sur la méthode idoine pour gérer la/les société/s humaines dans la perspective du dépassement du simple être-ensemble au meilleur vivre-ensemble.
Est-ce la faute aux humains ou celle des mots qui les emballent dans un sens ou dans un autre ? Peut-être les deux, dirait-on ! N’empêche que ce sont toujours les êtres humains qui donnent aux mots leurs sens et que parfois, souvent même, ces sens se développent au gré des intérêts et de l’usage qui les commande. Par conséquent, la responsabilité est essentiellement humaine. Pourtant nombreux ont été les intellectuels qui se sont creusé l’esprit pour penser mieux et plus profondément ces notions déterminantes de l’avenir des humains ! Qu’est-ce qui fait donc que cela n’ait pas abouti à une sorte de consensus, même relatif, sur une gestion concordante des intérêts humains, tous les humains, dans la plus-value d’intelligence que leur prodiguent leurs différences ?
Il y aurait d’abord à examiner les modes d’articulation et d’interaction entre les pensées des élites et le commun des gens qui constituent le nerf moteur de la communauté citoyenne malgré l’impression de population silencieuse que ces derniers donnent d’eux-mêmes. Il y aurait à chercher comment ne pas encastrer la pensée, supposée d’intelligence supérieure, dans un cercle restreint de spécialistes, et lui trouver ainsi les voies (et voix) idoines pour un partage conversationnel qui l’implique dans la vie des êtres et qui implique ces derniers dans la concrétisation de son impact ? Il est sans doute temps de repenser les choses au-delà de concepts comme les philosophes-rois ou les rois-philosophes pour instituer un peuple philosophe ! Donc de repenser la démocratie autrement et pourquoi pas de réédifier la Cité différemment.
Il y aurait ensuite à s’entendre sur la signification des concepts utilisés dans la conduite et la gestion des sociétés, comme démocratie, liberté, indépendance, humanisme, identité, altérité, convergence, conversation, responsabilité, etc. Ce lexique ne saurait former un vrai paradigme humain (d’autres diraient « humanistes ») sans lui trouver la cohérence qui pourrait le constituer comme tel. Cela amènerait une révision de soi et une rééducation de l’ensemble au dépassement de la logique « à deux poids deux mesures » qui s’avère être le principal virus mortel de la santé des sociétés.
Pour ce faire, les cercles de discussion et de pensée, qui se constituent entre penseurs et chercheurs, n’ont pas de valeur effective s’ils ne construisent pas en même temps des ponts sûrs et solides avec la citoyenneté civile. D’où le rôle à jouer par les associations dans ce cadre. Encore faut-il leur faciliter la tâche, saine et non manipulée, au lieu de chercher à les mettre en difficultés de moyens et de respiration !
Repenser la Cité, aujourd’hui ! Voilà une urgence et voici un pari !