Il est évident que la Tunisie d’aujourd’hui hésite à avancer tellement toutes les voix lui paraissent dissonantes et toutes les voies sans issues. C’est la faute aux politiques sans doute et c’est la faute aux citoyens aussi. Qui est le plus à blâmer ? Qui est le plus à plaindre ? Qu’importe ! Surtout qu’il est difficile à trancher tellement chacun de son côté cherche à passer pour le sauveur et le justicier, ou pour une victime en quête d’équité.
Il y a certes un repère dans le paysage actuel, on ne peut plus clair, dirait-on, avec le Président de la République en tête et derrière lui, bien derrière lui, la mouvance du 25 juillet 2021 telle que revue, corrigée et en structuration. D’aucuns disent : « C’est juste ce qui reste de cette mouvance car depuis, elle a perdu en masse et en teneur ». Il faut reconnaître que ce repère, plus il est clair plus il pousse certains aux scepticisme et à l’hésitation. N’empêche qu’il a aussi des fans qui s’en reconnaissent en tout enthousiasme et entière adhésion.
En face, il y a « les partis de la dernière décennie », comme on les appelle. Ils sont trop engloutis dans la rhétorique politicienne, politicarde même, pour oser présenter un plan de sauvetage et de relance, crédible et rationnel, crédible parce que rationnel, à même de laisser entrevoir un quelconque signe lumineux du développement souhaité.
En dehors ou en marge de ce duel, il y a le reste donc, qui serait « la masse citoyenne » considérée par les politiques comme une « masse silencieuse ». Si son silence est visible, et nullement audible ; sa citoyenneté est peu perceptible, ni dans les grandes décisions ni dans les grandes contestations. Il s’agirait, disent certains commentateurs, d’une masse prétexte, évoquée par chaque tribun pour justifier n’importe quoi et elle serait, semble-t-il, efficacement exploitée par les forces étrangères sans paraître le faire, à de rares exceptions près. A la fin, on serait de croire que cette masse est dans l’expectative, prête à tirer au sort son destin et celui des siens, en allant dans l’une des voies des deux grands clans antagonistes !
Pourtant, c’est peut-être cette masse citoyenne qui peut se hisser en paramètre déterminant et actif dans la réorganisation sociétale et dans l’engagement de son destin. Il lui suffirait d’adopter une position active consistant d’abord à raisonner des effets et des causes de toutes choses qui se proposent, pour concevoir un nouvel esprit et construire dessus un grand récit ou un grand écrit pouvant conduire à la tâche et au grand pari ! Ce qui donnerait lieu à un certain optimisme malgré tout ! De ce point de vue, c’est la dynamique de l’action civile qui est la plus à même de changer les choses en profondeur, encore faut-il qu’elle ne se laisse pas prendre dans les pièges, partout aux aguets, de la société politique telle que vécue depuis plus de dix ans ! Il semble aussi y avoir, dans le sillage de la société civile et à ses parages, de nouvelles compositions politiques aux formes incertaines mais aux objectifs raisonnés. Tant mieux si cela peut relancer l’implication politique sans les déformations constatées par le passé.
Peut-être alors, la question première à raisonner d’abord serait-elle : « Entre une Tunisie qui prie et une Tunisie qui crie, comment penser le pari ? »