Les dernières altercations françaises à propos d’une motion de censure contre le gouvernement, et leur comparaison à aux disputes légendaires de nos parlements de la dernière décennie, m’ont redonné à réfléchir sur les débats politiques, dans des instances ou des institutions officielles dont le cadre le plus symbolique serait le parlement, et sur la façon dont ils se font et dont ils sont conclus.
J’avoue qu’une première impression me vient d’une sorte de conviction intérieure que ces façons de faire n’ont vraiment pas grand-chose à voir avec la Démocratie comme aspiration idéaliste à un état supérieur de vie en société, quelques dimensions que puisse avoir une société. C’est qu’il y a des principes de base à toute démocratie et le premier de ces principes est l’esprit de conversation. Franchement, dans tous ces cadres de discussion, je ne sens presque jamais un vrai sens de la conversation. Pour échapper à cette dernière, nos politiciens ont trouvé le mot dialogue qui, vidé de son sens premier (« parole transversale », de par le préfixe dia-), devient le prétexte à toute cacophonie, débouchant généralement sur le manque de respect, sur la diffamation, sur l’insulte même, et symbolisant on ne peut mieux l’esprit de guerre qui préside à nos rapports politiques.
On l’a compris, j’espère, il n’y a pas, dans mon présent propos, la référence à un acteur politique précis, dans le pouvoir ou dans l’opposition ; il n’y a pas non plus une spécification géographique, car tel semble le cas dans la plupart des pays dits démocratiques. Dans les autres, c’est évidemment l’approbation soumise de ceux qu’on appelle les « béni-oui-oui » (sans d’ailleurs un souvenir précis de l’origine de l’expression, en contexte de colonisation française de l’Algérie). Ce qui est souligné ici, c’est donc ce pouvoir impérial de l’esprit polémique, dans l’ambiance qui lui est appropriée, celle d’un « dialogue de sourds », là où on ne s’écoute pas, là où on ne partage rien, là où on ne cherche qu’à s’imposer au détriment d’autrui. Est-ce vraiment cela la démocratie ? Permettez-moi d’en douter.
Précisons que l’esprit polémique ne saurait se confondre avec l’esprit dialectique. Si le premier tend de plus en plus à s’affirmer comme une persuasion passionnée et égocentriste, donc violente, le second relèverait plutôt de l’argumentation logique et raisonnable, donc à obédience consensuelle, malgré qu’il est ait ! Ainsi, les politiques centrant leurs discours sur l’esprit polémique, de quelque parti ou clan qu’ils se reconnaissent, ne sauraient constituer une force du bien partagé, mais celle d’un bien imposé, convaincus qu’ils détiennent la vérité, qu’ils sont plus intelligents que les autres et qu’ils ont donc un droit de tutelle sur les autres. Bref qu’ils sont les nouveaux prophètes des temps modernes, les temps de la démocratie. Or celle-ci ne saurait s’accommoder de l’idée de prophétie, au moins telle qu’elle est entendue par certains esprits.
Pour conclure, dans le même esprit de généralité qui préside à la conduite du présent écrit, j’en appellerais, pour autant qu’il y ait un petit potentiel d’écoute, à l’humilité et à la modestie, au respect réciproque, à l’ouverture intellectuelle et au sens de la solidarité, surtout dans ce pays qui nous fait être et que nous faisons, mais qui semble malade surtout de ce que nous sommes en lui.