Le train pour les élections législatives du 17 décembre 2022 semble avancer droit vers sa destination, imperturbable malgré certaines secousses et parfois des menaces de dérapage évitées à coup de circonvolutions abracadabrantesques. Il y a là le signe évident d’une détermination imperturbable qui rappelle une fameuse caméra cachée et une obstination inflexible qui résume un moment nodal de la conduite de l’État tunisien depuis le 25 juillet 2021.
Face à cette façon de voir et de faire, il y a des bruits et des agitations qui cherchent à arrêter le train, par tous les moyens, ne réussissant jusqu’à aujourd’hui qu’à regrouper, pour manifester leur mécontentement, de petites foules disparates incapables de se constituer en une force d’opposition coordonnée et solidaire. C’est à pousser à revoir la notion même d’opposition et de pluralisme dans cette Tunisie qu’on croyait sauver en 2011 (à se demander de quoi, aujourd’hui !) et qu’on n’a finalement fait qu’enliser dans les sables mouvants de l’égoïsme, de l’opportunisme, du fanatisme et de plusieurs autres termes en « isme ».
Dans ce duel sans vrais repères ni règles de conduite convenus pour la vie en société, la masse citoyenne, dans toutes ses composantes plurielles et ses opinions variées, semble se compacter dans un silence spectateur et dans une indifférence apathique se traduisant par un rejet de toutes les formations politiques, même celles se croyant des plus mobilisatrices. C’est ce qui est à déduire de presque tous les rendez-vous électoraux censés s’opposer aux scrutins en masse téléguidés des temps anciens. A chaque fois, on a au moins la moitié des votants qui restent hors de l’opération. C’est à remettre en question la mécanique classique de « la démocratie représentative », surtout que, d’expérience, les citoyens ont fini par comprendre qu’on leur dit des promesses pour se faire élire et qu’après on fait ce qu’on veut.
De ce point de vue, ce n’est pas l’opposition politique qui sauverait le pays des dérapages redoutés mais la masse citoyenne qui devrait s’organiser en force effective et décisive de la société civile. Là aussi, force est de souligner tous les obstacles et toutes les difficultés qu’endurent les associations les plus agissantes en profondeur, en l’occurrence les associations culturelles, éducatives, intellectuelles, écologiques, etc. N’empêche ! Il faut œuvrer pour le changement de cet état des choses et continuer de militer pour le reste également. Aussi conviendrait-il de penser à positiver la marche actuelle pour essayer de faire profiter le pays des avantages qui en sortiraient et de lui éviter les inconvénients qu’elle risque de générer. Mais le faire en termes de société civile, avec une nette neutralité à l’égard des partis politiques et une sincère implication dans une vision (re-)constructive de la dynamique du développement qui, une fois à son rythme de croisière, permettrait une juste évaluation de l’action de politique politicienne dans le sens d’une démocratie authentique et non ces démocraties à la carte au nom desquelles chacun peut faire ce qu’il veut, mais ne jamais faire ce qu’il faut.
Peut-être alors peut-on conclure, d’emblée, à la proposition d’un accord de principe et à une promesse ferme du pouvoir en place, garantis avec l’UGTT, comme représentant symbolique d’une société civile aussi neutre que possible en ces temps flous, et portant sur l’après 17 décembre, de procéder de façon rationnelle, légale et concertée à la restauration des principales instances juridiques de la bonne gouvernance et de la pacification de la société autour de la participation démocratique et du développement solidaire.
Cela permettrait à cette échéance du 17 décembre 2022 de transformer l’atmosphère de conflit en une ambiance d’épreuve consentie pour sauver un avenir compromis.