Par Mansour M’henni
J’avoue me sentir suffisamment soulagé d’un poids de lourde responsabilité après ce qui a été fait, pour la dixième année après son décès, afin de rendre hommage à Tahar Chériaa, le cinéphile, cinéaste, critique et concepteur culturel, écrivain et traducteur aussi.
Une lourde et double responsabilité : celle de l’ami que je crois être et celle du citoyen engagé que je me suis toujours voulu, à la façon dont je me convainquais de devoir être au temps où j’étais. J’ai vécu avec Tahar Chériaa un demi-siècle de proximité de nature variée, toujours plus étroite et plus affective. Elle a été partagée pendant près d’un quart de siècle, débouchant sur un testament partiel dont le défunt m’a chargé deux semaines avant son décès, deux témoins à l’appui. L’essentiel consistait dans l’installation de sa bibliothèque à Sayada, sa ville natale et la mienne aussi, et dans l’initiation d’une association ou d’un club permettant aux jeunes de s’exercer à la création et à l’action audiovisuelles en particulier, culturelles de façon plus large, et foncièrement citoyennes.
Cette entreprise, aussitôt engagée entre la veille de son décès et la fin de l’année 2012, s’est heurtée à des humeurs versatiles, à des calculs temporaires et à d’autres obstacles plus ou moins objectifs. La commémoration de la dixième année de son départ m’a semblé propice à la reprise de cette mission, comptant sur la compréhension et le soutien de tous les concernés, individuellement, localement et nationalement. Je me suis donc investi, à partir de mars 2020, dans le cadre de l’association « Questions et Concepts d’Avenir » (QCA) et j’ai lancé le programme : « Tahar Chériaa : mémoire pour l’avenir », avec le soutien de quelques collègues et amis. L’association pour la Culture et les Arts Méditerranéens (ACAM) a rejoint cette action après son assemblée générale extraordinaire du 3 octobre 2020.
Inutile de s’attarder sur les aléas de cette démarche qui devait déboucher sur une grande action autour du 4 novembre 2020 (la date du décès est le 4 novembre 2010). L’important est qu’un colloque (La Littérature tunisienne et la francophonie) a bien eu lieu à l’Institut Supérieur des Langues Appliquées de Moknine (Université de Monastir) et a été dédié à la mémoire de Tahar Chériaa, et que l’initiative d’un autre colloque, entièrement consacré à la mémoire de Tahar Chériaa, a été organisé par le Forum de l’Esprit de Lumière Tunisien (Etablissement national pour la promotion des festivals et manifestations culturelles et artistiques – Ministère de la culture).
L’important également, c’est que de ces actions, en plus du suivi régulier assuré par le média électronique associatif (https://www.voixdavenir.com/) et dirigé par l’association QCA, trois publications sont issues de ces actions, dans un temps record. D’abord le livre de la rencontre du 2 avril 2021 à la Cité de la culture, avec l’appui du CNCI dont le directeur général a ouvert les travaux du colloque ; ce livre est titré « Hommage à Tahar Chériaa l’écrivain et le cinéaste ». Ensuite un dossier spécial de la revue VOIX D’AVENIR N°2, publiée par QCA, un dossier consacré aux Actes du colloque « La Littérature tunisienne et la francophonie », dédié à Tahar Chériaa. Enfin un dossier spécial de la revue THETIS N°25, publiée par l’ACAM, un dossier intitulé « Tahar Chériaa, une mémoire pour l’avenir » reprenant les témoignages internationaux rédigés en langue arabe pour le quarantième jour de la mort de Tahar Chériaa (les témoignages en français ayant été publiés dans le N°24 de la même revue).
Il est à préciser que l’engagement de l’ACAM se justifie par le fait que le défunt était membre de son comité d’honneur et qu’elle lui avait rendu un hommage juste après sa mort lors de son 9ème Symposium des expressions culturelles et artistiques de la méditerranéité (SECAM 9) à Mahdia au début de décembre 2010. Quant à QCA, elle a jugé opportun d’inviter à penser l’interaction entre la mémoire et l’avenir, deux concepts centraux dans la vie humaine, la personnalité et l’œuvre de Tahar Chériaa ayant été jugées à même de conforter une telle réflexion.
Restent la Bibliothèque Tahar Chériaa, une annexe de la Bibliothèque publique de Sayada, et la restructuration, pour le réanimer, du CATaC (l’association « Club Audiovisuel Tahar Chériaa »), ce sont deux tâches relancées avec un enthousiasme ressenti auprès de certains amis et fidèles de Tahar Chériaa et sans doute des établissements sensibilisés à l’importance de l’entreprise.
Puissions-nous mériter vraiment les figures marquantes de notre histoire, non pour cultiver le culte de la personne mais pour savoir tirer de leur patrimoine des lumières à même d’éclairer nos pas vers l’avenir.
Que douces et fructueuses sont l’amitié et la citoyenneté !