Après la fin du confinement causé par la pandémie du coronavirus, le monde pourrait changer vers le meilleur. Les gens vont changer de comportement, ils vont garder le rythme de la distanciation sociale tout en sachant qu’ils sont égaux devant un tel désastre. Le riche comme le pauvre, le vieux et l’adulte comme le jeune, vont se respecter en laissant, dans le quotidien, à tout un chacun son espace de liberté et de priorité d’au moins un mètre, et en même temps ils vont se protéger en protégeant autrui. Chaque famille va s’occuper de ses siennes sans mettre le nez dans les affaires des autres. Chaque personne va se concentrer sur sa vie sans chercher à s’immiscer dans celles des autres. Tous sont soucieux et égaux devant la calamité de cette maladie sans merci. Tous ont peur de mourir de la même façon : entubés, asphyxiés et enterrés comme des no man’s land. Le monde entier est solidaire devant le même ennemi invisible. Il s’entraide sans calcul géopolitique, sans profit, ni chantage. Ce n’est plus la loi du plus fort qui domine désormais le monde, mais celui d’un minuscule virus inconnu qui menace toute l’humanité. L’Etat tolère les crédits bancaires, suspend les impôts, aide les plus démunis, les nécessiteux et même les riches. Bref, l’Etat mercantile se comporte avec ses citoyens, tel un père généreux et tendre avec ses enfants, avec une souplesse et une bienveillance inhabituelles, inégalées voire rares. Néanmoins, l’Etat appartient à un monde, et le monde est guidé par l’homme. Or, selon l’anthropologie et même l’ethnologie (qui s’intéressent à l’étude de l’homme et des groupes ethniques), cet homme n’est finalement que le fruit d’un système social, économique et politique acharné par la concurrence, par la puissance, par la suprématie, par l’argent, par le pouvoir. Cet homme est selon la théologie (Caïn et Abel) ou la philosophie, notamment de Hobbes, est « un loup pour l’homme », autrement dit : « l’homme est le pire ennemi de son semblable, ou de sa propre espèce. ». Dans ce cas, la notion de solidarité entre les frères ou les hommes semble être utopique. En effet, la solidarité est certes une assistance morale et physique mutuelle, mais elle n’est pas un acte éternel, car l’individualisme, dans ce cas, vaincra, tôt ou tard, l’esprit communautaire. Sous la pression de la peur de sa faiblesse, l’homme se plie momentanément à des consignes et obéit aux lois de la commune et de l’Etat ; mais à la moindre délivrance, il reprend sa nature et retrouve sa spécificité d’homme, ses propres désirs personnels, son égoïsme instinctif… Bref, il retrouve sa manière d’être. Selon la psychanalyse, le refoulement est causé par la frustration et la privation. Dès que l’homme retrouve sa satisfaction et comble son désir inhibé, les sentiments d’exaltation et de libération provoquent en lui une envie irrésistible de compenser l’ancien désir frustré et inassouvi. Ainsi, inconsciemment, l’homme laisse libre court à son imagination autrefois refoulée, et profite de sa liberté pour compenser toute la temporalité suspendue pendant le confinement. Autrement dit, rien ne va changer après le confinement total. Au contraire, le comportement de l’homme va peut-être empirer pour une bonne durée, le temps de remédier à l’autocensure qu’il a endurée et à la paralysie de son rythme de vie pendant la pandémie. L’homme est un être de la nature qui possède un instinct bestial ; il ressemble, entre autres, à un cheval confiné dans une étable, dressé par des lois, obligé à être manipulé, surveillé voire châtié s’il ne respecte pas les consigne de son maître, soit disant, protecteur. Toutefois, si le cheval se libère dans la nature, il va oublier tout ce qu’il a appris pendant son confinement forcé. Il va galoper librement, chevaucher sauvagement ; il fuira peut-être son maître et détestera même tout ce qu’il a vécu de bon, de bien et de correct dans l’étable. L’Etat pour l’homme est comme le dresseur pour le cheval : s’il libère le confiné, il ne va plus pouvoir l’attacher comme il le pensait, parce que même s’il « Chasse le naturel, celui-ci revient ʺforcément, instinctivementʺ au galop. ».