Sortie de deux nouveaux recueils de poésie :
« Jaratou wejh el kamar » et « Rahil el ward » de Fatma Abdelkader
Décidément, le paysage poétique féminin est très riche en Tunisie et je dirai même qu’il gagne chaque jour du terrain à tel point qu’il dame le pion à la poésie masculine. Aussi peut-on dire que le nombre des femmes-poètes s’est quadruplé depuis quelques années, à en juger par les centaines de nouvelles publications poétiques signées par des plumes féminines. De plus, on peut constater ces dernières années une véritable explosion de la poésie féminine (en arabe et en français), sans doute favorisée par Internet et les réseaux sociaux qui font qu’il n’est plus indispensable d’avoir publié des livres pour diffuser ses poèmes, d’autant plus que l’accès à l’édition reste encore difficile et coûteux. Fatma Abdelkader est l’une de ces poétesses tunisiennes qui a sa place au soleil grâce à sa verve poétique et son talent créateur incontestable.
Deux recueils de poésie publiés simultanément vont permettre aux lecteurs férus de poésie de découvrir l’univers poétique de la poétesse, empreint de lyrisme et de romantisme. Ces deux nouveaux recueils ont pour titres « Jaratou wejh el kamar » (Voisine de la lune) et « Rahil el ward » (Départ des roses). Le titre de chaque recueil ainsi que le nom de la poétesse sont imprimés en lettres dorées et la première de couverture de chaque livre montre le portrait d’une jolie femme rêveuse et méditative. Une infinité de poèmes meublent les pages qui chantent l’amour, la joie et le bonheur, mais qui expriment aussi la douleur, la souffrance, l’ennui et la séparation.
Etant donné le grand nombre de poèmes, je ne vais pas m’attarder à les analyser tous dans le détail, mais je me bornerai surtout à en discerner l’ampleur et la qualité de l’ensemble des textes poétiques et leurs effets qui pourraient être exercés sur le lecteur. Nous révèlerons ainsi le style utilisé, les thèmes abordés, les sentiments et l’inspiration qui animent la poétesse.
Si l’amour, thème récurrent dans la poésie, occupe une bonne place dans les poèmes des deux livres, il n’en demeure pas moins que d’autres thèmes sont abordés, tels que l’espoir, le désir, la vulnérabilité, la douleur, la perte, l’évasion, le désarroi, le défi, le destin. Le tout se déploie admirablement à travers les pages, sous forme de vers libres assez courts, dans une langue relativement simple, parfois recherchée, qui regorge d’assonances et d’allitérations, de comparaisons, de métaphores, de rythmes, de musicalité et d’images évocatrices.
Les deux recueils nous donnent l’impression que l’amour chez la poétesse est à l’origine de toutes les bonnes actions, que la vie sentimentale est à la fois un mélange de plaisir et de souffrance et que la poésie apporte souvent des remèdes aux maux de la vie. Partout des vers courts, mais éloquents, harmonieux et profonds, accompagnés d’une imagination débordante et d’une sensibilité fine. Des poèmes minutieusement confectionnés, avec un bon goût, où se mêlent sentiments et émotions qui touchent l’âme, le cœur et la pensée. Bref, c’est une poésie qui fait apparaitre une nouvelle donnée dans l’écriture féminine en Tunisie.
Dans les deux recueils, la poétesse s’ouvre aux lecteurs, leur avoue ses secrets d’amour, à tel point qu’ils se sentent concernés par ses maux, mais aussi par ses joies et ses plaisirs. Chacun d’entre nous peut s’identifier à ces expériences vécues par notre poétesse : l’amour, la joie, la souffrance, la séparation, l’attente, la déception, l’évasion, l’espoir… Elle pose ainsi un regard original sur le monde et en même temps, elle parle d’expériences personnelles, mais qui pourraient être partagées par tous. On retrouve souvent, dans les deux recueils, le vécu de la poétesse car, pour pouvoir parler de l’amour et de ses tourments, il faut l’avoir vécu pour l’évoquer d’une manière touchante et réaliste. Disons enfin qu’à travers ses vers courts et concis, mais si doux et bien profonds, elle dit peu pour insinuer beaucoup. Et c’est ainsi qu’elle réussit à capter notre attention et nous enchanter !
Hechmi KHALLADI