“Du bleu dans la nuit”, et “Couleurs d’émotions”, de Sliman Chahdi
Natif de Jendouba, Sliman Chahdi vit entre la France et la Tunisie. Ce citoyen des deux rives de la Méditerranée a récemment publié deux recueils de poésie intitulés respectivement : “Du bleu dans la nuit” et “Couleurs d’émotions”. C’est à la suite d’une fortuite balade sur la toile, que le hasard m’amène à découvrir Sliman Chahdi et ses poèmes. J’ai alors perçu sa voix, celle du poète. La curiosité me pousse ensuite à lire ses deux recueils publiés chez Latrach Edition.
Les vers de Sliman Chahdi nous emmènent, comme des berceuses, en voyage vers des cieux, des mers et des coins lointains, avec pour seul bagage l’amour à semer et des brises d’émotions à partager. En suivant ses swings, je découvre cet amoureux multiple passionné de poésie mais également épris de sa patrie, et sacrifiant tout pour la nature, la liberté, l’Autre, l’humain et l’universel. Ses amours, sources de joie, vecteurs de compassion et en même temps causes de ses blessures, lui offrent comme à ses lecteurs l’immensité sans limites. Le voyage de Chahdi se poursuit en accostant parfois les rivages des terres de ” l espoir” dans un bleu omniprésent que le poète élit pour refuge permanent. Son monde est celui d une forêt où “il niche avec ses habitants” (Du bleu dans la nuit, p.71), enlaçant la nature avec toutes ses couleurs et se mettant à l’écoute de tous les chants fredonnés par les rossignols, les étourneaux, les verdiers, les alouettes et tous les autres oiseaux. Consentant par ailleurs à dialoguer avec un grillon, une abeille ou un bourdon, le tout au milieu d’une nature envoûtante.
Ces scènes ne sont visibles qu’à travers la sensibilité du poète dont la perméabilité au monde naturel donne libre cours à son imaginaire sans fin mais toujours en restant proche du réel. Dans ses poèmes, Chahdi nous invite à humer les senteurs, les arômes, à entendre tous les frémissements, tous les froufrous, à nous baigner dans tous les soleils, à déguster tous les plats de la nature. Dans ses deux recueils, tous les sens sont convoqués pour assouvir un regard assoiffé, une faim du corps, du cœur et de l’esprit, des envies longtemps réprimées. Certes, comme tout poète, Chahdi est d’abord un rêveur. Cependant, sa sensibilité s’inspire du réel qui l’entoure. Bien que la nuit soit présente avec tous ses éléments, lune, astres et étoiles, l’espace où naissent les vers de Chahdi est toujours illuminé, pas du tout confiné. Ce sont des espaces ouverts qui donnent sur les forêts, les plages et l’air libre partout.
Dans ses balades, le poète est toujours attentif aux conditions des âmes affaiblies, délaissées, des marginaux et des minoritaires dans la foule. Là, le poète devient même coléreux et indigné. Il s’élève alors contre l’injustice, les inégalités et les maux de la société en appelant au respect des droits humains et citoyens. Il crie sa révolte et appelle en urgence à la délivrance entre autres par la poésie, même si cela paraît utopique pour certains. De là, jaillit également son cri strident pour faire déborder le monde d’amour afin de guérir les sociétés de leurs maux. Le poète nous peint non seulement son environnement de l’autre rive de la Méditerranée, mais aussi celui de son pays natal (la Medjerda/ le Printemps arabe, la Révolution) pour ensuite atteindre à l’universel et à l’humain (Palestine/Alep).
Quant à Sliman Chahdi le solitaire, il savoure sa solitude (cf. poèmes Sur la route / Solitaire) en se confiant à elle, en se recroquevillant en elle et en méditant avec elle. Le poète dialogue même avec son “‘insomnie”, avec son cœur, avec ses idées et avec le hasard (Du bleu dans la nuit, p.143). On suit Chahdi dans ses déambulations et ses pérégrinations grâce à des mots enrobés de sensations, et à un style caressant et mélodieux. Notre poète ne se contente pas d’évoquer son époque, plutôt il nous fait remonter dans le temps. On se retrouve alors dans les rues d’Athènes, sur le mont Olympe, pour suivre les Dieux, les Déesses et les nymphes mythologiques et les entendre nous raconter leurs histoires éternelles (cf. le poème Didon) Le poète part à la recherche des esprits, des racines et des légendes des temps perdus. Il puise dans ces profondeurs des chants, des danses et des psalmodies en quête de l’intemporel et de son élixir.
Dans ses deux recueils, Chahdi, le perméable, le sensuel, le sensible, le solitaire, l’engagé, le nostalgique et l’amoureux nous invite au “vernissage” de son unique tableau, celui qu’il brosse de lui même (Du bleu dans la nuit, p.125) au milieu de toutes les couleurs qui valsent autour de lui dans le ciel du réel, de l’utopique et du beau.
Naziha Briki