1_le récit d’une histoire ou l’aventure d’un récit.
2_le récit du non récit ou le texte sur « rien »
- Vécu intra ou extra-muros, le récit Dormances, de l’auteur Badreddine ben Henda, en temps de Corona, met en avant la dimension intime ou la vie intime des personnages de la cité en rapport avec leurs entrées et sorties, leurs joies et déboires, leurs désirs, leurs émotions, leurs attentes, leurs solitudes, leurs amours, leurs silences et les points de suspension annoncés et claironnés par le titre. Pour
- Peut-être récupérer le récit et l’aérer malgré leur absence.
b- Ou ouvrir les murs malgré le Coronavirus.
Et tout cela est un avant-goût de l’acte d’écrire né à la fin du texte, lui-même projet littéraire échafaudé par Bassboussa.
Ce va-et-vient spatial entre l’intérieur et l’extérieur est vécu par les deux couples de personnages dans l’évasif, dans la menace, dans le caché- masqué, dans l’interdit, et dans le silence. La petite famille de Bassboussa en est un exemple, les trois personnages : la mère, le père et la fille sont trois solitudes, trois indépendances, sans renvoi d’écho. L’espace les désunit, désarticule leur relation et les abandonne, livrés à eux-mêmes. D’où le tragique de la communication et le fatum imposé par l’épidémie.
Donc le texte est un « entrelacs », un nattage de mini-récits, évoluant tantôt dans le discontinu tantôt dans le continu et ce, autour du personnage de Bassboussa.
- Cette aventure à facettes amoureuses se mue au fil du récit en non-aventure. L’anecdotique est sapé au profit du degré zéro de l’évènement, les déplacements spatiaux, les rencontres, les regards croisés sont tus par l’émergence d’un intrus non désiré, non le bienvenu et « tueur en séries » comme l’identifie l’auteur. Le virus Corona, en maître absolu du monde et de la scène textuelle, règle à sa manière l’espace et le temps des personnages. Tout se noue et progresse dans l’interdit de circuler, d’agir, de se rencontrer et …d’aimer. L’horloge de ce massacreur comme la Peste de Camus raréfie le mouvement et l’action, interdit les sorties, confine la citoyenneté et réduit le temps en temps zéro, en action zéro, préludes, peut-être, à l’acte d’écrire. A l’acte de renaître Créateur. Les personnages deviennent des spectres mobiles, des silhouettes d’ombre se fondant dans le flou de la cité devenue évanescente. Thanatos accomplit son vœu de mise à mort de l’événement Et c’est le texte sur « rien. »
Seule l’écriture échappe à ce vertige de la ville.
Seule Bassboussa, avec sa valse avec les mots et son appel tonitruant voire viscéral à l’aventure, à la vie, à la création, saura ne pas capituler et aller outre « Dormances » (au pluriel) et ce, par ses exercices d’écriture, « ses feuillets » et son manuscrit « Une autre histoire de Khira ».
L’objet de l’écriture n’est plus le récit mais l’écriture elle-même, la naissance d’un projet littéraire autour de la femme de ménage Khira qui est peut-être l’héritière de Félicité de Flaubert.
L’Art comme le dit Malraux est un « anti-destin. »
Nefissa Wafa Marzouki. Tunis le 26 Mai 2021