« Mal nommer les choses c’est ajouter à la misère du monde » (Camus)
La grande muette a enfin parlé, elle a parlé avec ses éléments inactifs, ses généraux à la retraite… Dommage ! On aurait aimé entendre ses éléments actifs, ses éléments décisifs, ses cadres patriotes et ses officiers engagés sur le champ d’honneur, ceux qui tiennent dans une main la braise et dans l’autre le drapeau d’une nation meurtrie.
Mokhtar Ben Nasser et ses confrères se sont adressés dans un communiqué du 27 Mai 2021 au Chef de l’état à titre exclusif -comme s’il était seul responsable du blocage actuel – ils lui ont donné des leçons de démocratie, lui enjoignant au passage de réunir les “autres” (Chef de gouvernement et Président de l’assemblée) afin de lancer un “dialogue à même de sauver la patrie menacée par la pandémie et par la faillite”. « Ils l’avisent enfin, avec des mots savamment choisis, que s’il n’engage pas un tel dialogue il sera tenu pour responsable face ” à l’histoire, au peuple et à Allah ».
Seule concession faite par les généraux au Président c’est la promesse de juger les corrompus.
S’il est vrai que la démocratie est le respect des urnes, il n’en demeure pas moins que sa signification première est la capacité donnée aux institutions de demander des comptes aux criminels de tous bords et de toutes les couleurs, sinon cette démocratie âprement souhaitée, va plutôt s’apparenter à une porte dérobée par laquelle s’infiltrent les malfrats.
Or, notre justice et depuis le passage d’un certain Nourredine B’hiri, est devenue une caisse de résonance où seule la voix des Frères est entendue. (Nous citons pour exemple l’affaire Bouchelaka qui traîne depuis la nuit des temps).
Est-ce « très démocratique » de dialoguer avec ceux qui ont envoyé nos jeunes par milliers, filles et garçons, alimenter des conflits d’un autre âge ?
Où résiderait la démocratie si nous engagions un dialogue avec ceux qui ont commandité des assassinats politiques ?
C’est quoi cette démocratie qui nous oblige à « faire des concessions » pour ceux qui ont couvert des liaisons louches ayant mené au meurtre de nos soldats et nos policiers ? A-t-on oublié les victimes du bus de la garde présidentielle ? Ce drame pouvait-il avoir lieu s’il n’y avait pas des complicités à tous les niveaux ?
C’est quoi cette démocratie qui justifie qu’on parle avec ceux qui détiennent un appareil de sécurité parallèle ?
Qui a porté le coup de grâce au tourisme en couvrant les dossiers des attentats de Sousse et du Bardo ?
Que dire à ceux qui ont plombé les finances publiques avec des reconstructions de carrières par milliers ?
Que dire à ceux qui ont empoisonné le climat économique en soumettant les hommes d’affaires aux pires chantages ?
Comment dialoguer avec ceux qui ont démonté fibre par fibre les appareils de production en manipulant les contestataires Kamour, Gafsa et autres ?
Que dire en présence de ceux qui ont pourri la vie politique par des basses manœuvres de récupération et de retournement – les cas Chahed et Mechichi sont flagrants – ?
Non Messieurs ! On ne résout pas les problèmes en les contournant, le salut de la patrie commence quand on saura d’abord nommer le mal et poser le bon diagnostic.
Il n’y a pas plus criminel que celui qui, sachant que la tumeur cancéreuse s’est répandue dans tout le corps, s’entête à prescrire à son patient du paracétamol.
En médecine il y’a, Messieurs, l’ablation! Et pour sauver la partie saine, rien ne vaut l’amputation pure et simple de la gangrène.