(A l’adresse de toute bonne conscience tunisienne en général et au nouveau staff de notre ministère de l’enseignement supérieur, en particulier.)
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“Ceci n’est pas un conte” (merci Diderot) soporifique pour le commun, ni surtout une diatribe contre X ou Y.
Mais un universitaire qui a rompu ses os et sué quarante ans durant pour enseigner et croire à l’université ne peut pas entendre des propos erronés et surtout mystificateurs sur celle-ci sans réagir.
“Une université de l’excellence, qui doit se focaliser sur les objectifs de la société,” voilà, entre autres lieux communs politiciens un propos faux et trompeur que le public de la presse locale a souvent entendu et peut encore entendre de la bouche de certains “responsables politiques”, relayés par le commun des mortels.
Ce genre d’assertion peut passer inaperçu pour monsieur Untel, les acteurs des médias, le public estudiantin, voire beaucoup d’universitaires placés aux premières loges de ce débat ancien et nouveau. Il est même très probable que des acteurs de premier plan de l’enseignement supérieur eux-mêmes n’ont aucune conscience de cette espèce d’aberration, pour ne pas dire imposture partagée par les “politiques”, spécialistes et non spécialistes confondus.
Il est pourtant clair que ce genre d’affirmation construit brillamment sur trois pôles conceptuels (l’université, l’excellence, la société) reconduit sans autre procès analytique et scientifique un a priori des plus discutables, pour ne pas dire plus.
Si l’université, comme son nom le subsume, est bien le lieu et l’instrument de l’ouverture spatiale, humaine, culturelle et scientifique, et si elle vise l’excellence déclinée en labels, ambitions et méthodes, qui sont ses qualités “sui generis”, elle ne peut pas, objectivement et logiquement, être chevillée au billot du social décliné, lui , en capacité pécuniaire, employabilité, confort social ou précarité intermittente.
Ce serait préjudiciable autant à sa vocation propre (développer et transmettre des savoirs, des savoirs-faire et des valeurs absolues, trans-sociales) qu’à sa réception au sein de l’ordre social restreint et restrictif. Sinon, on peut immédiatement arrêter de former des diplômés et des savants, puisque le pays plie, socialement et économiquement, sous plusieurs poids, entre autres, autour de 300 mille diplômés chômeurs, puisque 60% des pilotes formés sont voués au chômage, puisque 9O% des nouveaux médecins ne trouvent pas d’emploi, puisque 100% des humanistes et des littéraires sont voués au statut de chômeur intelligent !!!
Pire, contrairement à cette affirmation, préoccupée par la “socialité” de l’université, et conformément à la politique de l’austérité,, l’Etat ne recrutera plus de fonctionnaires formés dans les universités ou ailleurs et abdique donc son rôle social. !!!
Je ne veux pas m’arrêter au constat du paradoxe et à sa dimension scandaleuse, pour ne pas dire immorale! Je voudrais rappeler que les universités de l’excellence dans le monde ne se soucient aucunement de savoir si les étudiants qui les fréquentent trouveront plus tard un statut social ou non, car ce n’est pas à elles de servir d’alibi politique ou de bouc émissaire. Ni Harvard, ni Oxford ni Sorbonne ne se préoccupent de l’employabilité de leurs ressortissants car, les grandes universités, les bonnes universités, les vraies universités croient à (et pratiquent) essentiellement trois principes fondateurs et structurants:
1-L’université s’occupe de développer et de dispenser l’intelligence théorique et pratique ainsi que des valeurs humainement nécessaires, en dehors des conjonctures restreintes et contingentes.
2-Le public des bacheliers doit être entièrement libre de fréquenter telle ou telle université, en fonction des capacités d’accueil et des compétences requises de l’étudiant. Excit, donc, l’orientation arbitraire et place au concours de recrutement décentralisé et de localisé. La répartition des publics estudiantins sera naturellement régularisée par la loi de l’offre et de la demande.
3-L’Etat a le devoir de gérer le social (finances, emplois, santé etc) y compris dans les universités, sans limiter leur possibilité d’autonomisation, tous azimuts.
Conclusion: il est inutile, voire gravissime et démagogique de mêler les genres dans ce domaine précisément.
A méditer…urgemment !