Université de Kairouan
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Kairouan
Colloque international pluridisciplinaire
« Tour et détour en langue et en discours »
Université de Kairouan, 10 – 11 novembre 2021
Si la conscience humaine a pu sortir de son isolement pour établir des connexions avec le monde extérieur, c’est bien grâce à cette capacité exceptionnelle de communiquer. L’investigation dans le langage est devenue dès lors un domaine de recherche incontournable pour les sciences du langage et la philosophie. A bien commencer par le mystérieux passage du physique (sons, gestes et autres signes d’échange) au sémantique (émission, réception et décodage des messages), nous remarquons que les différentes disciplines, toutes tendances confondues, se trouvent confrontées à une multitude de problématiques qui ne cessent d’occuper les chercheurs qui se sont penchés sur la mise en œuvre de différentes théories, moyennant un dispositif conceptuel qui devrait permettre de déjouer les tours de cette institution sociale qu’est le langage.
En grammaire se pose régulièrement la difficulté de la mécanisation du discours rapporté, de sa transposition et de ses scories tant déictiques qu’anaphoriques. La confusion référentielle induit la polyphonie énonciative, quand il s’agit de discours indirect libre. Une question qui mérite encore examen.
L’implicite (présupposé et sous-entendu), comme mode d’expression indirecte, demeure producteur d’interprétation multiple. La subtilité du langage est à la base de la production du sens. On pourrait traiter la question comme mode d’expression du dire et de ne pas dire. En analyse du discours, il est question de chercher les articulations entre les choix énonciatifs du locuteur et le contexte social dans lequel l’expression détournée a été produite. L’étude de la question relative à l’arrière-plan comme élément déterminant dans la compréhension et l’assimilation du sens se doit d’être alors mise au premier plan.
La problématique du langage, du signe, et de l’expression indirecte, est doublée d’une question non moins polémique : la pragmatique inférentielle est-elle une science dépendante ou indépendante de la linguistique ? Peut-on parler de force illocutoire, en passant outre les mots conventionnels d’une langue donnée. La question des règles constitutives d’une langue est elle une entrave à la capacité d’imposer une signification en dehors des conventions reconnues ?
C’est dans les travaux des penseurs anglo-saxons que s’est développée la théorie de l’esprit qui articule le passage de la linguistique codique à la linguistique inférentielle. Outre la théorie de la pertinence, développée à la faveur des quatre maximes de conversation de Paul Grice, les rapports entre « intention informative » et « intention communicative » nous mettent au cœur de la problématique de l’expression indirecte.
En rhétorique, nous visons particulièrement les figures de sens (métaphore, métonymie et synecdoque) ou les figures de pensée (ironie, humour et sous-entendu) lesquelles sollicitent un effort interprétatif qui vise à dépasser la tension cognitive, elle- même générée par l’inadéquation entre le signe et l’objet référentiel. Le mot « trope » s’inscrit au cœur de l’expression biaisée.
La fiction en littérature se découvre au cœur de la problématique de l’expression indirecte. Vue de cet angle, la littérature (roman, poésie, théâtre) parait reposer sur un paradoxe. Autant
il est question de feindre ouvertement de dire la réalité du monde, autant la médiation se fait épaisse, grâce aux choix, ou à cause du style, adopté par l’auteur d’une fiction. Cette reconfiguration du monde dans la langue, moyennant un style et des prédicats non conventionnels, est un triomphe, un triomphe de la finitude dirait Proust.
La parabole dans le mythe, dans l’épopée, dans la geste ou dans l’écriture sacrée mérite examen. Le récit long, appartenant à cette catégorie narrative, construit ses propres paradigmes de manière oblique. Le choix même d’une forme participe d’une détermination esthétique et axiologique. C’est que, soutient Lukács : « Toute forme est la résolution d’une dissonance fondamentale au sein de l’existence ».
Le bref et le court dans l’énoncé brachylogique induisent une compression du coût pragmatique, au sens de Benveniste. Et contrairement aux séquences narratives longues, le discours brachylogique condense le sens et fait de l’énoncé bref ou court un contenu d’échange conversationnel. Les figures de la brachylogie (proverbes, sentences, maximes, etc.) se rapportent à leur tour à l’esprit. Et c’est dans cet ordre de perception que l’effort interprétatif est des plus sollicités.
Nous nous mettons au cœur de la théorie du signe, non seulement au sens discursif et narratif, mais aussi au sens sémiotique du terme. On pourrait convoquer, ne serait-ce que pour l’illustration, la musique ou la peinture, pour mettre le signe à l’épreuve de l’expression détournée, de soi et du monde.
La problématique de la compréhension du langage impose régulièrement une recherche assidue, quant au processus mental qui permet la communication avec autrui.
Ce colloque s’adresse aux littéraires, aux linguistes, aux philosophes et aux chercheurs et aux chercheuses en matière d’expression artistique. L’objectif est de donner la parole à des intervenants et à des intervenantes qui ont pour souci d’étudier la manière dont se construit le discours ou le signe, dans l’optique de la problématique du tour et du détour du langage, présentée à travers les axes mentionnés ci-dessus.
Bibliographie sommaire
AUSTIN John, Quand dire, c’est faire, 1970.
AUSTIN John, Ecrits philosophiques, 1994.
BANFIELD Anne, Phrase sans parole, théorie du récit et du style indirect libre, 1997.
BENVENISTE Emile, Problèmes de linguistique générale, 1963.
BONHOMME Marc, Pragmatique des figures du discours, 2015.
CHARAUDEAU Patrick, Grammaire du sens et de l’expression, 1992.
COMBETTES Bernard, Discours rapporté et énonciation, 1989.
DUCROT Oswald, Dire et ne pas dire, 1972.
GENETTE Gérard, Figures III, 1973.
GRICE Paul, Logique et conversation, 1979.
KERBRAT-ORECCHIONI Catherine, L’implicite, 1986.
LUPARRA Marceline, Les Discours rapportés en séquences narratives longues, 1990.
LUKACS Georg, La Théorie du roman, 1920.
MAINGUEBEAU Dominique, Discours et analyse du discours, 2015.
M’HENNI Mansour, Le Retour de Socrate, 2015.
MONTANDON Alain, Les formes brèves, 1992.
MOESCHLER Jacques et REBOUL Anne, La Pragmatique aujourd’hui, 1998.
PROUST Marcel, Le Temps retrouvé, 1927.
RBATEL Alain, L’effacement énonciatif dans les discours rapportés et ses effets pragmatiques, 2004.
RICOEUR Paul, La Métaphore vive, 1975.
SEARLE John R, Les actes de langage : Essai de philosophie du langage, 1972.
SEARLE John R, Sens et expression : étude de la théorie du langage, 1982.
SPERBER Dan et WILSON Deirdre, La pertinence, 1989.
TOURATIER Christian, La Sémantique, 2005.
WITTGENSTEIN Ludwig, Investigations philosophiques, 1953.
Modalités de soumission des propositions :
Date limite de soumission des propositions de communication : le 3 juin 2021 (délai de rigueur)
Acceptation/refus des propositions : le premier juillet 2021.
Les propositions seront présentées sous la forme d’un document Word d’une page, comprise entre un minimum de 1000 signes et un maximum de 2000 et comprendront 5 mots clés : elles devront mentionner nom et prénom, discipline d’origine, statut, rattachement institutionnel de l’auteur et adresse électronique.
Les propositions seront rédigées en Times New Roman de 12 points, interligne 1,5. Le fichier informatisé du résumé envoyé aux organisateurs par voie électronique sera simplement nommé par les nom et prénom de l’auteur
Les propositions, accompagnées d’une notice biobibliographique seront adressées exclusivement à :
Comité d’organisation
- Lazhar Aïdi
- Anissa Zrig
- Hedhili Mansar
- Médiha Charfeddine
- Hamdi Mlika
- Dorra Barhoumi
- Lobna Ghédira
- Houcine Bouslahi
Comité scientifique :
- Radhouen Briki (Université de Kairouan)
- Nathalie Garric (Université de Nantes)
- Mustapha Trabelssi (Université de Sfax)
- Hédia Abdelkefi (Université de Tunis Al-Manar)
- Mansour M’Henni (Université de Tunis Al-Manar)
- Nizar Ben Saad (Université de Kairouan)
- Sinda Jlidi (Université de Kairouan)
Coordinateurs
Houcine Bouslahi
Lazhar Aïdi