Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités camerounaises à se conformer à l’avis rendu par le groupe de travail des Nations Unies qui estime que la détention provisoire de l’ex-directeur de la radiotélévision publique n’a “pas de base légale” et demande que le journaliste soit “libéré immédiatement afin qu’il puisse recevoir le traitement médical nécessaire” à sa maladie.
Saisi par RSF en janvier 2019, le groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire estime dans ses conclusions communiquées récemment à notre organisation, et à l’Etat du Cameroun, que la détention provisoire de l’ex directeur général de la CRTV Amadou Vamoulké n’a “pas de base légale” car elle va “au-delà de la limite maximale prescrite par la loi, et sans explication suffisante du caractère raisonnable et nécessaire de cette mesure.”
Poursuivi pour des détournements de fonds, non pas à des fins personnelles mais au seul profit de la CRTV, le journaliste est en détention provisoire depuis près de quatre ans. Plus d’une trentaine d’audiences ont eu lieu, deux procédures ont été lancées mais aucun élément n’est venu corroborer les accusations portées contre lui. Une procédure inique, comme le dénonce régulièrement RSF, qui s’apparente à une volonté manifeste de représailles contre ce journaliste connu pour son indépendance d’esprit et ses méthodes de gestion éthique. Dans sa conclusion le groupe d’experts indique que “les violations du droit à un procès équitable sont d’une gravité telle qu’elles confèrent à la détention de M. Vamoulké un caractère arbitraire.”
L’ONU demande “instamment” au gouvernement de libérer “immédiatement M. Vamoulké et de veiller à ce qu’il reçoive le traitement médical nécessaire dans toute la mesure du possible.” Le journaliste, aujourd’hui âgé de 70 ans, est malade, et aucun protocole médical adapté n’a été suivi malgré deux certificats médicaux prescrivant des examens qui ne peuvent être réalisés au Cameroun. L’épidémie de coronavirus qui n’a pas épargné la prison centrale de Yaoundé dans laquelle est incarcérée Amadou Vamoulké n’a pas non plus conduit les autorités à lui accorder une remise en liberté, ne serait-ce que provisoire. Le groupe d’experts qui s’est déclaré “profondément préoccupé” par la “gravité de l’état” du journaliste a décidé de transférer son cas au rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à la santé, un mécanisme également actionné par RSF.
“Les conclusions des Nations unies sur le caractère arbitraire de cette détention rejoignent celles de RSF et viennent ajouter une nouvelle voie à celles déjà nombreuses qui demandent la libération de cet éminent journaliste africain, déclare Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous appelons les autorités camerounaises à entendre ces appels. Au delà des graves manquements observés et établis dans la procédure, ce journaliste est âgé, malade et vit dans une prison touchée par l’épidémie de coronavirus. La dimension humanitaire de cette affaire devrait primer afin d’éviter que le pire ne survienne.”
Le 6 avril, RSF et 80 organisations avaient écrit à dix chefs d’Etat africains dont le président Paul Biya pour leur demander de libérer les journalistes emprisonnés dans leurs pays respectifs soulignant que dans le contexte de la crise sanitaire et dans des prisons surpeuplées, ils n’avaient pas la possibilité de s’isoler et qu’ils étaient souvent privés des soins médicaux nécessaires.
Le Cameroun, 134e sur 180 pays, a perdu trois places au Classement mondial de la liberté de la presse récemment publié par RSF.
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