Abdelhakim Zraier, poète tunisien, essentiellement en arabe dialectal tunisien, vient de sortir son nouveau recueil de poésie intitulé « Wa Yantahi El Kalem » ( Dernières paroles ), après avoir auparavant publié trois autres dont les titres se rapportent toujours aux paroles, à savoir « Ouyoun El Kalem » (Sources des paroles), « Rahikou El Kalem » (Nectar des paroles) et « Maraya El Kalem » (Miroirs des paroles).
Cependant, le titre du recueil semble choquant, si bien qu’il nous insinue implicitement que notre poète a décidé d’arrêter d’écrire, quand bien même il serait encore en mesure de créer et de publier d’autres recueils tant qu’il serait capable de taquiner la muse, pour faire plaisir à tant de lecteurs férus de la poésie populaire. Espérons que ce recueil ne sera pas le dernier comme il est suggéré dans le titre !
Voilà donc que depuis des années notre poète écrit et publie en arabe dialectal tunisien alors que les publications en ce genre de poésie demeurent rares chez nous, peut-être à cause de notre regard dédaigneux à cette forme d’expression. N’en déplaise aux puristes de la langue arabe qui considèrent cette forme d’expression comme une déformation de l’arabe standard, donc indigne de figurer dans des livres, la poésie dialectale existe bel et bien, non seulement en Tunisie, mais partout dans les pays arabes où elle a ses lettres de noblesse. D’ailleurs, cette forme d’expression poétique populaire connaît actuellement une dynamique exceptionnelle qu’on peut observer à travers différentes publications.
Le poète rend également un hommage à la femme de Tunisie dans le poème intitulé « Bent Bladi » (Fille de mon pays), qu’elle soit rurale ou urbaine. Il glorifie ainsi la beauté des femmes tunisiennes en vantant leurs qualités physiques et morales sans jamais cacher ses sentiments et sa passion pour elles. Aussi peut-on lire tout un poème intitulé « Mahlek » (Comme tu es belle ! », dédié à la femme où le poète décrit les charmes et les attraits de la femme en s’exprimant avec flamme.
La fuite du temps, ce thème très récurrent dans la poésie universelle, est aussi abordé par notre poète dans le texte « El yawmiya » (le calendrier) où l’on se plaint contre le glissement des années et la vie routinière que l’homme mène à travers les saisons, les mois et les jours.
Le poète nous fait vivre dans son texte intitulé « Andi Jnina » (j’ai un jardin) son amour pour la nature, pour les arbres fruitiers et pour les plantes de son jardin, mais aussi pour les animaux qui y vivent, comme l’oiseau, le papillon. Il énumère toutes sortes de plantes et de fleurs qui émanent d’agréables parfums
Le poète consacre un poème à son ami enseignant qui vient de partir à la retraite où il lui prodigue ses conseils pour qu’il jouisse bien de sa retraite et d’en faire une nouvelle vie où il devrait goûter du repos et de la joie et profiter des délices de la vie après de longues années de labeur.
Disons enfin que les poèmes d’Abdelhakim sont construits en formes de quatrains où les vers sont pleins de saveur, de rythme et de musicalité. L’on regrette seulement que ce livre ne soit pas accompagné d’un CD avec l’enregistrement vocal de ces poèmes en arabe dialectal, ce qui doublerait le plaisir ressenti.
Pour ceux qui restent encore réticents à la poésie dialectale, qu’ils se mettent à lire ces poèmes pour découvrir combien cette langue populaire est, tout comme l’arabe classique, une langue d’images qui se prête parfaitement à la poésie.
Hechmi KHALLADI