Ce que j’attends du Président aujourd’hui, c’est ce que j’ai toujours attendu de lui et de ses prédécesseurs : le citoyen normalement constitué rêve principalement de dirigeants qui contribuent activement à son confort moral et matériel, qui lui assurent une vie d’homme digne et qui œuvrent à préparer un avenir tout aussi décent à ses descendants.
Les mesures d’exception prises le 25 juillet dernier par Kaïs Sâayyed rétablissent une part infime de la confiance perdue des Tunisiens dans l’ensemble de la classe dirigeante et dans les partis politiques d’une manière générale. Nous avons, hélas, atteint le fond ces dernières années : pas un seul gouvernement n’a réussi à redresser l’économie ni au moins à en redonner de l’espoir dans les autres domaines. La Tunisie en est réduite depuis plus de cinq ans à tout mendier aux pays frères et amis et aux organismes internationaux “suceurs de sang”.
A l’intérieur du pays, la corruption touche tous les secteurs et de nouvelles mafias s’emparent de nos sources de richesses. Le commun des Tunisiens vous désignera au moins deux ou trois noms parmi ces barons nés de la Révolution de 2011. Et tous ceux qui sont arrivés au pouvoir n’ignorent quasiment rien de cette pègre “nationale” ni de ses forfaits quotidiens. Pire encore ! Certains d’entre eux ont tout fait pour couvrir ces crimes en contrepartie de substantielles récompenses.
Bref ! Il était temps que “quelqu’un” mette un terme à l’hémorragie : Kaïs Sâayyed apparaît comme le Sauveur, et d’une certaine manière il l’est de fait puisque personne avant lui ne s’est attaqué aussi courageusement à la gangrène ambiante. Avec lui au moins, on est passé du discours à l’acte significativement constructeur. Il n’y avait plus rien à espérer de ses partenaires politiques d’avant le 25 juillet, ni à l’échelle du Gouvernement ni au Parlement.
Tout cela est beau; mais en politique, les actions d’éclat ne suffisent guère : il faut décliner un projet global et réunir les hommes et les moyens pour le mettre à exécution. Jusqu’à nouvel ordre, Kaïs Sâayyed me semble prendre ses décisions au jour le jour. Certes, ce début de nouvelle ère rassure la population et attire au Président la sympathie et le soutien d’une large majorité. L’occasion est excellente, d’ailleurs, pour qu’il fonde officiellement “son” parti et désigne enfin “son” équipe !
Ennahdha ne doit plus se relever de sa récente débâcle tout comme les formations dont ce mouvement s’est entouré. Un nouveau paysage politique est à esquisser dans lequel déjà s’inscrivent des “profiteurs” de tous bords ! Vigilance et méfiance ! Mais avec qui travailler si l’on craint tout le monde ? Comment savoir qui est patriote authentique et qui ne l’est pas ? Il faut démêler l’écheveau et ce n’est pas possible en deux ou trois mois!
Pour tout dire, comme la plupart des Tunisiens, je me sens soulagé comme d’un poids oppressant et délivré comme d’un mal tuant ! Nous respirons un peu mieux ! Mais personnellement, je ne vois pas tout en rose ! Pour le moment, j’accorde le préjugé favorable à Kaïs Sâayyed et à ses collaborateurs actuels; mais j’attends d’autres signaux rassurants et surtout un projet d’homme d’Etat véritable. Je ne veux pas trop rêver, les nouveaux dirigeants ne peuvent donner que ce qu’ils ont le pouvoir de donner. En même temps et comme toujours, je ne désespère pas de mon peuple ni de ma chère Tunisie. Avec ou sans Kaïs Sâayyed, nous remonterons la pente. Pas avec les mots et les discours, mais surtout en mouillant le maillot, comme on dit dans le jargon sportif !