Par BADREDDINE BEN HENDA
J’ai, ce matin, fini de lire deux romans tunisiens écrits en français et publiés en 2021. Le premier est l’œuvre d’un enseignant qui vit et exerce en France; le second est signé par un fonctionnaire retraité qui vit dans l’une des banlieues de Tunis. En vérité, je n’ai lu et savouré jusqu’à la fin que le premier livre. Quant à l’autre, il m’a été difficile, je veux dire impossible, d’en achever la lecture.
Le roman de notre écrivain émigré est irréprochable presque sous tous rapports, notamment sur le plan de la langue savoureuse avec laquelle il est rédigé. Par moments, je me demandais si je n’avais pas entre les mains le chef-d’œuvre de l’un des grands auteurs classiques de la littérature française. Il y avait peut-être à redire sur la construction romanesque; mais qu’est-ce que c’était bien écrit ! En tout cas, pour au moins l’excellente qualité de son français, l’auteur méritait amplement le Prix Comar qui lui a été tout récemment décerné.
L’autre “texte”(c’est mieux ainsi de ne pas en préciser le genre; d’ailleurs en avait-il un ?) était par contre si mal écrit dans la langue de Molière que j’ai dû le lire exactement avec les réflexes d’un professeur de collège en face de la copie du pire de ses élèves ! Mais, Bon Dieu ! Qui a autorisé la publication d’une telle horreur ?! Mais, Bon Dieu, qui a fait croire à monsieur l’auteur qu’il pouvait écrire et publier des livres ?! Car l’autre comble, c’était que l’auteur de cette calamité littéraire en avait déjà pondu d’autres, écrites sans doute dans le même français infirme!
On peut, bien sûr, tolérer certaines petites maladresses et incorrections, même chez les écrivains les plus illustres! Personne n’est infaillible de ce côté-là ! Mais s’arrêter à toutes les lignes, s’arracher les cheveux d’horripilation à chaque paragraphe et à chaque page ! Non ! C’est au-dessus de mes forces et au-dessus de mon indulgence de lecteur francophone assidu! Le problème excède ma personne, en fait ! Car, le fréquentant un peu depuis deux ans, j’imagine que notre auteur banlieusard ne peut admettre d’être taxé de mauvaise plume ! Lui qui emploie à profusion (mais presque jamais correctement) l’imparfait du subjonctif !!!
Son cas me rappelle d’abord celui d’un jeune écrivaillon qui, dès son premier roman, très mal écrit et très mal conçu du reste-, s’était permis de s’attaquer violemment au jury du Prix Comar lequel, selon lui, l’avait frustré de l’un des prix du concours littéraire annuel. J’ai lu ce roman-torchon et plus jamais je n’ai accepté de rencontrer son médiocre et prétentieux auteur. Je me souviens aussi de cette écrivaine, poétesse, nouvelliste, romancière, essayiste, philosophe, historienne, critique littéraire, critique d’art, critique-tout, qui un jour m’a envoyé le manuscrit de son premier roman pour que je le préface ! J’ai donc commencé par lire le monumental roman de 60 pages ! Inutile de vous dire à laquelle je m’étais arrêté ! Je sais que vous devinerez tout seuls !
Feu Alain Nadaud avait baptisé l’un de ses romans “D’écrire j’arrête”! Ah ! Si mes “amis” d’écrire arrêtaient ! Juste pour au moins se relire moins narcissiquement! Miroir, ô beau miroir, dis-leur ce que je n’ose pas leur dire ! Miroir, ô beau miroir, rapporte-leur très gentiment ce que je suis, là, en train d’écrire !