Le nouveau gouvernement tunisien sous la houlette de N. Bouden vient d’ annoncer la couleur de son projet. La lutte contre la fraude et la corruption est privilégiée. Et pour cause!
La fraude se conjugue au quotidien et en tout domaine…
Je te fais des promesses en l’air, tu me poses un lapin, il nous enfarine à tout propos, elle farde ses gestes et discours, ils se prêtent à tous les jeux de masque, elles mentent comme elles respirent…
Nous cherchons en tout lieu, à longueur de jour et d’année, un dindon de la farce…
Vous avez compris cette déclinaison qui décrit tout bonnement la devise actuelle, la fraude sauvage! Elle se fait marcotter sous notre tente, gagne des tentacules incommensurables, se radicalise, envenime même l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les ingrédients de nos plats, les sentiments que nous éprouvons, les actions que nous accomplissons, les projets dont nous rêvons.
Non, vous n’y êtes pas ?
Pourtant je ne suis pas du tout un parano. Voyons voir !
Voici des cas de notre vécu social, encore plus percutants de véracité : les enfants vaquent à l’école buissonnière, s’ils ne se livrent pas à une délinquance plus grave et te racontent des salades quand tu leur demandes des comptes, le voisin te sourit à tout bout de champ et reluque ta femme ou ta fille en nourrissant des fantasmes de macaque, le concierge se répand en salamalec à ton passage et te balafre le dos à force de médisance avec tes voisins, le flic, qui fait le pied de grue à la rocade t’arrête, surtout si tu es de la gent féminine, et t‘invente une histoire scélérate pour que tu lui fasses un bakchich diligent et libéral, l’épicier te jure tous ses dieux et marabouts qu’ il te vend la meilleure huile d’olive du monde et tu débouches une fiasque pleine d’un liquide tout à fait improbable, l’élève ou l’étudiant « yfaski » (néologisme tunisien signifiant recourir à une fausse copie) et snobe royalement le rare disciple honnête et méticuleux, le collègue se met en quatre et même en huit pour t’arracher cordialement les viscères à la faveur de coups bas et de rumeurs, les politiciens se spécialisent dans l’art des promesses non tenues et de la duplicité, les journaleux fabriquent des scoops de toutes pièces et tant pis pour la psychose dans le pays déjà trop sinistré, le commun des mortels pratique quotidiennement la surenchère, cherche comment faire mouvoir les montagnes et faire naître des souris…
Voilà pour le constat ! La fraude systématique et généralisée chez nous est flagrante, indubitable, sidérante, beaucoup plus qu’ailleurs probablement !
Bon, il est vrai, que nous n’avons inventé ni le sang contaminé ( la France ),ni le dopage ( c’est le fléau du sport international), ni la démagogie des FMI et autre BM , ni la fable du loup et de l’agneau….Mais là où des sociétés développées isolent au maximum la fraude dans tous ses sens sur leurs territoires, nous en faisons depuis des années une norme dont ne s’écartent que des citoyens rarissimes, assimilables à une race en voie d’extinction, ou des miséreux en marge de tout.
Quant à l’explication du phénomène, on y perd son latin et tous les idiomes à portée de méninges. J’y vais, quant à moi, de ma petite lecture qui ne prétend à rien de sibyllin ni de compliqué : nous sommes une société en voie de mutation, nous faisons nos premiers pas entre la position bestiale des primitifs et la position débout des premiers hommes civilisés. Nous créons et pratiquons donc un comportement hybride, à la fois naturel et culturel : satisfaire l’instinct (peur, psychose, brutalité, individualisme…) et sauvegarder un faux semblant social (vivre ensemble, communiquer, cohabiter…)
Péroraison: Pour terminer la mutation dans le bon sens, nous avons du chemin à faire, qui se jauge en termes d’années et de décades, hélas.