Parmi les problématiques que l’on peut discuter à propos de la Tunisie d’aujourd’hui, c’est celle de la nouvelle pauvreté. Il s’agit de se demander si les critères pour désigner qui est pauvre et qui ne l’est pas sont les mêmes qu’il y a trente, quarante ou cinquante ans. Mais dans le même ordre de questionnement, il y a lieu de se demander s’il n’existe pas chez nous une certaine pauvreté “suspecte”. Les SDF que l’on croise, à Tunis, dans certains coins du centre-ville, c’est-à-dire à l’avenue Habib Bourguiba et dans ses plus proches environs, ces “nouveaux pauvres urbains” sont-ils pauvres à ce point?
Désormais, nos SDF s’installent en famille et non plus en individus solitaires. On en rencontre, par exemple, à dix pas du Théâtre municipal et devant le siège de l’Ordre des Ingénieurs (en allant vers la station TGM). La mère, le père et deux de leurs enfants n’ont pour couchette que deux ou trois grands cartons et pour couvertures n’importe quoi parmi ce qu’ils ont amené avec eux ou ce que des riverains ont offert (couettes, draps, tapis, vêtements, etc.). De quoi vivent-ils ? Allez savoir ! En tout cas à voir leurs mines, on n’a guère l’impression qu’ils meurent de faim ou de soif ! On les voit même sourire, se raconter des histoires et des blagues entre leurs multiples sommeils de bébés.
Il ne peut s’agir de pauvres “ordinaires”. On est même en droit de dire qu’ils sont “placés” exprès, là où ils sont. Autrement, pourquoi le centre-ville, et pourquoi l’Avenue Bourguiba plus précisément. Artère principale de Tunis qui vaut une très belle vitrine de la capitale et du pays ? C’est suspect, ce genre de pauvreté auquel on veut nous habituer et dont la ville s’enlaidit sournoisement. La même suspicion peut frapper la “mode” mendiante. L’Avenue Bourguiba rassemble de plus en plus de mendiants, de vagabonds de tous âges, et de malades mentaux plus effrontés et plus grossiers les uns que les autres !
Il ne peut s’agir d’un hasard de la désastreuse décennie “révolutionnaire”, que certains voudraient, au nom de n’importe quoi, prolonger, sinon ressusciter ! Suspicion à propos de tout, maintenant ! Les pénuries sont suspectes, les grèves aussi, tout comme les manifestations de rues, les grabuges dans et autour des stades, jusqu’aux embouteillages dans les plus vastes carrefours ! Il n’y a plus rien d’innocent en Tunisie, plus personne n’agit ni ne parle innocemment ! Tout le monde est coupable, à présent, jusqu’à preuve (impossible) du contraire !