Mansour M’henni et le Président du Conseil National des Droits de l’Homme au Maroc (SIEL 27)
L’un des points forts du 27ème Salon International de l’Edition et du Livre (SIEL 27) à Rabat (Maroc) est incontestablement ses rencontres et manifestations culturelles qui, malgré leur nombre et la simultanéité de certaines d’entre elles, ont drainé une forte présence et une dynamique conversationnelle intéressante. L’un de ces ateliers de réflexion et d’expression a particulièrement retenu mon attention, celui organisé par le Conseil National des Droits de l’Homme et destiné aux enfants, dans l’un des espaces les plus vastes.
Dans cet atelier, les enfants ne venaient pas écouter un conférencier leur « verser à l’entonnoir » ce que sont les droits de l’homme. Ils étaient là pour en converser, entre eux. A leur écoute, il y avait ces grandes personnes qui font les spectateurs aussi impressionnés qu’intéressés. En plus de la conversation (mais est-ce autre chose ?), les enfants théâtralisent des situations problématisant les droits de l’homme : ils y sont donc créateurs tant par des textes de leur élaboration – sans doute à l’expression légèrement corrigée ou juste retouchée par « l’encadrant(e) » – que par leur mise en scène et par leur jeu théâtral. Autant dire alors que les enfants sont dans un vivre du « droit-humain » plutôt que dans une démagogie du « droit-de-l’hommisme ». La première situation cultive le sens de ces droits dans le for intérieur de l’individu-citoyen, le responsable de demain, dans sa profonde conscience, depuis son enfance ; la seconde cherche à le couler dans le moule d’un militant politique, politicard même, pour les mobilisations de circonstance.
Les droits de l’homme sont incontestablement un des piliers fondamentaux de toute démocratie, mais celle-ci à de trop nombreuses définitions, tressées sur mesure pour le seul intérêt qu’on cherche à en tirer et pour l’exploitation qu’on voudrait en faire. Un peu partout, l’histoire des temps modernes nous a gavés d’exemples de monnayeurs des droits de l’homme et, chez nous, cette histoire nous a fourni des exemples de « militants » en la matière qui s’étaient engrossés des avantages et des monnaies des bailleurs de fonds et qui, après 2011, ont sauté pour la plupart sur l’arrivisme politique pour faire preuve de leur incompétence à gérer la société dans le sens de sa vraie démocratisation, conduisant ainsi le pays vers un démantèlement caractérisé et une faillite vertigineuse.
Tout cela nous invite à revoir notre façon d’être, de faire et surtout d’éduquer à la notion des droits de l’homme, ainsi qu’à leurs tenants et à leurs aboutissants. Deux secteurs-clés constituent les principaux piliers de cette stratégie d’initiation à la citoyenneté du droit, celui de l’éducation et celui de la culture. De ce point de vue, n’est-ce pas absurde de constater que les statuts officiels des associations dissocient celles de nature civile de celles de nature éducative, scientifique ou culturelle ? Pourtant, juste après janvier 2011, le décret des associations de septembre 2011 a aboli cette séparation, mais la pratique administrative est en train de la ramener subrepticement. Est-ce la faute à l’administration ou aux acteurs associatifs ? Question à discuter.
Pour l’essentiel, n’oublions pas qu’une société se construit surtout par la culture et par l’éducation, mais n’oublions pas non plus de nous demander quelle culture et quelle éducation il conviendrait à notre société. C’est par là qu’il faut commencer.