Par Badreddine Ben Henda
Hier, en commentant mon article intitulé “Hamma Hammami, Slaheddine Daoudi et ma citronnade du matin” (cf. Voix d’avenir en ligne et mon compte face-book personnel), la collègue et amie Rabâa Abdel-Kéfi m’a reproché d’avoir dénigré le passé militant du fondateur du POCT, et d’avoir en revanche été tendre avec Kaïs Saïed. Pour répondre, je dirais d’abord que l’amie Rabâa ne me lit pas très souvent. Dans les centaines d’articles de presse que j’ai publiés depuis le milieu des années 1980 jusqu’à ce jour, ma plume n’a ménagé presque aucun homme politique tunisien. Quand cela est nécessaire, indispensable, j’ai critiqué à ma manière ceux qui sont au pouvoir et ceux des Oppositions successives. Il est vrai que j’ai été plus acerbe avec certains, notamment ceux de la Gauche dont j’ai été proche ou à laquelle j’ai pour un temps appartenu. C’est le cas avec Hamma Hammami et d’autres “leaders” communistes, socialistes, démocrates, progressistes. Mais je n’ai été, pendant cette quarantaine d’années, le courtisan, le flagorneur, le thuriféraire inconditionnel de personne !
D’autre part, dans l’émission de Maïssa Badis, c’est Hamma qui se défigurait lui-même en relatant son martyre carcéral. L’animatrice – et cela était visible, flagrant – cherchait le sensationnel dans le récit de son invité et ce dernier lui en fournissait une bonne dose, au prix de quelques amplifications à mes yeux inutiles et anachroniques. Après tout, il ne s’agit guère d’une émission sérieuse de témoignage historique ; loin s’en faut ! De plus, le salafiste Khamis Mejri y avait lui aussi (dans le même style et presque avec les mêmes formules) romancé son “calvaire militant” dans les “prisons de Ben Ali” ! N’importe quel frère musulman terroriste, n’importe quel bandit ou trafiquant que les animateurs pernicieux auraient sans gêne invités, auraient détaillé de la même manière les tortures et sévices subis.
Pour en revenir à Hamma, et pour parler plus exactement de sa relation avec Radhia Nasraoui son épouse très malade en ce moment, j’espère me tromper en ayant le sentiment que, d’une certaine manière, et de plus en plus souvent, le chef inamovible du POCT instrumentalise politiquement la maladie de sa femme pour s’attirer la sympathie (et les voix) de quelques éventuels électeurs. Je le redis : ce n’est qu’une impression, et il revient à Hamma de la démentir.
A propos de mon attitude plutôt hostile à l’idolâtrie politique, je considère qu’un grand nombre de mes compatriotes, dont plusieurs amis personnels, cultivent depuis longtemps déjà une forme dérisoire de maraboutisme en sacralisant certaines figures emblématiques de la Gauche tunisienne. Les saints-leaders à ne jamais profaner, même en cas d’erreurs fatales, de désastreuses volte-face et de catastrophiques mésalliances de leur part, ont ainsi pour noms respectifs : Ahmed Néjib Chebbi, Mustafa Ben Jâafar, Mohame Moncef Marzouki, Hamma Hammami, Ahmed Mestiri, Maya Jeribi, et j’en passe.
En fait de formations et de leaders politiques aujourd’hui, reconnaissons que c’est la disette, la misère totale, la crise profonde et honteuse : il ne reste qu’un “kiosque” (celui d’Ennahdha) et alentour quelques étals en pitoyable état. Ni boutiques, ni magasins, ni grandes surfaces, c’est le marché parallèle qui prévaut partout. Le plus triste dans l’affaire, c’est que les modestes étals de ce qu’on ose encore appeler la Gauche progressiste s’approvisionnent de plus en plus régulièrement dans le “kiosque” de Rached Ghannouchi et consorts, sinon auprès de ténébreux “hommes d’affaires” tunisiens et étrangers ! Chez les uns et les autres, ils puisent des “voix”, ça, c’est connu ! Mais aussi bien d’autres “marchandises” plutôt illicites !
Ah ! Pour finir, un mot sur les nouveaux takfiristes de l’après-25 juillet : en effet, quel que soit le bord que tu as choisi après cette date, tu es systématiquement lynché, à tout le moins dédaigneusement raillé, par ceux d’en face. En ce moment, approuver certaines mesures de Kaïs Saïed, c’est blasphémer, c’est commettre l’irréparable, c’est s’exposer aux foudres lancinantes et aux cinglants lazzis de ses adversaires. Tu n’as plus le droit de te tromper comme tant d’autres l’ont fait avant toi du temps de Bourguiba, de Ben Ali et de toute la décennie noire du tristement historique “Printemps arabe” !