On a beaucoup glosé, en Tunisie et ailleurs, sur l’organisation à Djerba du 18ème Sommet de la francophonie en 2022. Les discours heurtés ou croisés de l’extérieur du pays ont des raisons que certaines raisons ont des difficultés à saisir et encore moins à embrasser. Ceux de l’intérieur sont particulièrement marqués des différentes couleurs politiques de leurs auteurs, que ceux-ci soient de simples citoyens, des partis, des associations ou des instances d’une autre nature structurelle.
Quoi que l’on dise, en définitive, un événement de cette dimension, au-delà de tous les aléas y attenants, ne peut constituer qu’une heureuse circonstance d’actions et d’échanges culturels et intellectuels, à la croisée d’une importante dynamisation des secteurs de l’économie, du tourisme, de l’environnement et d’autres. Djerba vit sa fête à l’occasion de ce sommet, indépendamment de sa façon d’être à la francophonie, à la digitalisation, voire même à la politique nationale ou internationale. C’est une île libérée, pour un temps, celui de l’événement, de certains aspects frustrants de l’insularité, pour s’inscrire dans une ouverture permettant une respiration de l’air mobile de l’ouverture et de l’interactivité. Une nouvelle conscience s’y épanouit alors au souvenir de certains détails historiques de l’île, à plusieurs points de vue fondateurs ou déterminants du cours de l’évolution civilisationnelle. Il n’est sans doute pas exagéré de croire que l’île de Djerba condense dans son histoire toute l’histoire de la Méditerranée. Il est de juste droit d’inscrire l’Ile de Djerba au patrimoine mondial de l’Unesco, tel que cela a été annoncé au début du mois de mars 2022, après une lutte et un grand labeur s’étendant sur plusieurs années en vue de donner au dossier présenté pour cet objet les arguments prouvant sa crédibilité et favorisant sa validation. Il serait sans doute souhaitable qu’une déclaration et une cérémonie solennelle soient décidées à la fin du sommet pour consacrer officiellement cette décision historique.
Sur un autre plan, on ne saurait rater, à l’occasion de cet événement et surtout dans le cadre des activités du Village de la francophonie, les signes de satisfaction et de fierté lisibles sur les visages des citoyens de l’île à quelques lieux qu’on les croise. Même ceux fatigués d’être longuement et régulièrement attelés à la tâche font tout pour ne pas déballer cette peine et expriment un bonheur doux qui semble dire (certains l’ont dit expressément) : « Notre espoir est que des événements pareils puissent se succéder dans l’île ou au moins s’inscrire dans une régularité rapprochée ! »
Sur le plan culturel, au-delà de tous les commentaires critiques qui pourraient se justifier ou non, il y a une intense dynamique à louer, de nombreux échanges intellectuels et culturels qui ne sont pas sans rappeler la décision africaine initiatrice de la nouvelle francophonie, telle que lisible dans les discours de Bourguiba et de Senghor surtout, et conçue comme un projet civilisationnel pour une nouvelle conscience des rapports entre les cultures, les gens, les peuples et leurs États respectifs. Oh combien anachroniques paraîtraient ces discours nous ramenant, à l’ère même du numérique et d’un monde totalement ouvert, à une vision étriquée, conservatrice, exclusive, de la notion d’identité et d’une idée de la francophonie originellement lancée dans l’esprit colonial à la fin du XIX° siècle.
Nous sommes au XXI° siècle et nous avons à le vivre et à le penser, certes avec des nobles valeurs humanistes héritées de notre passé le plus spécifique, mais surtout de nouvelles pensées et d’une nouvelle éthique appropriées à nos espoirs d’un avenir humain, profondément et sincèrement humaniste.