Au-delà de la symbolique que la Tunisie du dernier demi-siècle a collée au mois de janvier pour en faire le mois des contestations et des violences politiques, il y a bien lieu aujourd’hui de s’attarder autant qu’il faut et de réfléchir et agir comme il faudrait pour franchir la situation actuelle aussi rapidement que possible et avec les moindres dégâts.
On ne peut certes pas reprocher au président de la République sa ferme conviction du préjudice commis à l’égard de la patrie et son peuple, par tous les responsables politiques de la deuxième décennie du siècle, dont la désignation par « Décennie noire » semble s’être définitivement confirmée. Mais on ne peut pas considérer, non plus, que tous ceux qui ont manifesté un certain mécontentement à l’égard du processus politique de l’après 25 juillet 2021, comme tous des insensés et des traîtres. Il faut bien raison garder, d’un côté et de l’autre, et ne pas oublier qu’un pays est un tout et qu’il est la propriété de tous ses citoyens, sans exception, dans le juste cadre qui commande démocratiquement leur socialité.
Force est cependant de souligner l’extrême disparité des différents mouvements de contestation et d’en déduire deux remarques : D’abord cette disparité, voire même cette incompatibilité de mouvements politiques d’opposition, montre que le principal objectif de ces mouvements divers n’est peut-être pas l’intérêt du pays, pour soi, mais l’intérêt personnel ou partisan qui, comme souvent dans la politique politicienne, utilise et transite par le slogan de l’intérêt général, de la cause du peuple, etc. Dès lors, la deuxième remarque en découle : devant cette disparité comprise comme un manque de maturité politique et une preuve d’inefficacité de l’opposition politique en émanant, le pouvoir en place, aujourd’hui entièrement pris en main par le Président, ne la prend pas au sérieux et cherche à poursuivre sans frémir ce qu’il considère la voie du salut pour le pays. C’est en fait ce clivage essentiel que le président Kaïs Saïed a tenu à marquer par l’adoption du 17 décembre comme date symbolique de la Révolution, contre le 14 janvier qui, comme je l’ai précédemment développé, reste la date la plus logique, historiquement, par sa symbolique collective, contrairement à la symbolique individuelle du 17 décembre, étroitement liée à un destin personnel. Faisons un parallèle simple : la « fête de la Victoire », le premier du mois de juin, a disparu avec le départ de Bourguiba ; mais la fête de l’Indépendance, le 20 mars, est indélébile, et les rares tentatives d’y porter atteinte ont connu un échec cuisant.
Que faire donc dans la situation actuelle ? De notre modeste avis, déjà exprimé précédemment, le rôle de l’UGTT reste fondamental, essentiel et incontournable. Heureux déjà que, même dans son extrême mécontentement, annonçant « la grande bataille », le SG Noureddine Taboubi s’est exprimé, au nom de l’organisation syndicale, dans un langage serein, constructif et respectueux. L’initiative qu’il prépare prend soin d’éviter l’implication des partis politiques, au moins pour l’instant, et à se présenter comme un projet de la société civile, conforté par les idées de certains experts. C’est pourquoi, notre espoir est de voir le Président lâcher du lest de ce côté précis et ne pas se cramponner à son imperméabilité. Cela ne passera nullement pour un échec. Ce sera au contraire une preuve de rationalité et de prise en compte de l’intérêt de notre pays, tout notre pays et tous ses citoyens, même ceux qui ont gaffé et dont la justice peut s’occuper.
Ce 14 janvier 2023 nous rappelle encore que dans les moments les plus difficiles, il faut toujours raison garder. A bon entendeur salut !