Par Mansour M’henni
On vient de vivre la première moitié du mois de mai de cette année, ce Mai qui, dans la plupart des cultures, est connoté positivement. De ce point de vue, on retiendrait surtout l’expression « avoir bon mai », qui présagerait du bonheur et de la prospérité. Bref, d’aucuns n’hésitent pas à soutenir que le mois de mai est le plus beau mois de l’année. En réponse au mois de mars, le mois de la germination (Ah ! ce Germinal !) et de la naissance du printemps, le mois de mai donne alors le spectacle de la beauté du printemps en couvrant la terre de ses fleurs aux multiples couleurs.
Autant dire que la Nature a fait don du mois de mai aux habitants de la Terre ! Malheureusement, ces derniers n’hésitent pas à en ternir le symbole et à en souiller l’esprit, comme pour prouver qu’ils restent toujours sous l’effet d’un coup de tête qui peut aller jusqu’à leur faire perdre la tête !
Pourtant, ils y ont bien mis des amers culturels d’intelligence et de bonne affection, comme la fête du travail (1er mai), la Journée de la liberté de presse (3 mai), la fête des Mères (le dernier dimanche du mois, mai ayant été, semble-t-il, ainsi nommé en hommage à une femme), etc. Pourquoi donc chercher à l’associer à l’image de la mort, surtout la mort absurde telle celle ayant été occasionnée à Djerba à l’occasion du pèlerinage de la Ghriba ?
L’information précise sur l’explication prouvée des motifs de cet événement ne sera peut-être pas donnée bientôt et l’on tergiversera encore sur sa caractéristique d’un fait isolé, ce qu’on appelle « un fait divers », ou d’un acte terroriste et donc de ses prolongements politiques et autres. N’empêche qu’au fond de la question, ces deux caractéristiques ne sont jamais séparées. C’est la logique de « l’effet divers des faits divers » magnifiquement exprimée par le poète Claude Roy dans son poème de ce titre.
D’aucuns sentent l’implication d’une certaine opposition en Tunisie qui, aidée de l’extérieur, chercherait à fragiliser toujours plus la « 3ème République » proclamée par Kaïs Saïed. D’autres, non loin de cette thèse, pointent du doigt le pourrissement de certains secteurs de l’Etat et de son administration au cours de la « Décennie Noire » et sa « Révolution de la brouette ». D’autres encore soutiennent la thèse d’une réplique, isolée ou concertée, aux crimes insoutenables et à l’injustice intolérable régnant en terre palestinienne sous le regard complice des instances internationales et des grandes puissances du monde.
Il n’est pas de l’esprit d’une chronique de plonger profondément dans les tenants et les aboutissants d’événements imbriqués dans la complexité inextricable d’un monde à l’essence évanescente. N’empêche que des questions peuvent y trouver place pour inviter à une interrogation partagée et à une réflexion conversée en vue d’une meilleure intelligence de notre vivre-ensemble.
D’abord, en Tunisie, sachons que Djerba est un microcosme représentatif de la Tunisie et de toute son histoire millénaire. On l’a dit à l’occasion du Sommet de la francophonie et à d’autres circonstances ; mais on ne le rappellera jamais assez. Sauvegarder Djerba et la développer, c’est tracer la voie idoine pour la sauvegarde de la Tunisie et pour son développement. Car cette île riche en symboles et en ressources est une cellule nodale à même de nourrir les structures de plus en plus étendues de la société tunisienne et de ses mécanismes de fonctionnement.
Mais d’un autre côté aussi, l’environnement géographique immédiat de l’Île, en l’occurrence la Méditerranée, mais le reste du monde aussi doivent repenser, et vite, le dernier drame de Djerba du point de vue de la justice internationale et d’un avenir solidaire. Sans cela, nulle issue ne paraît s’annoncer dans le tunnel où l’humanité semble se fourrer les yeux fermés et les oreilles bouchées.
(Publié aussi par jawharafm.net)