Par Mansour M’henni
Les éditions du Forum International Kateb Yacine à Guelma se succèdent avec toujours les mêmes réussites, indépendamment des conditions contextuelles à même de conforter plus ou moins favorablement son déroulement. C’est la preuve que les nerfs moteurs de cette manifestation académique, culturelle et touristique sont porteurs des valeurs de respect et de reconnaissance des mérites créatifs, scientifiques et intellectuels et de la passion de les servir avec beaucoup de conviction et un grand dévouement.
Force est donc d’emblée de rendre hommage à l’APTAC (Association de Promotion touristique et d’Action Culturelle) à Guelma, et surtout à son président Ali Abbassi pour sa persévérance ainsi qu’au conseil scientifique international composé d’importantes personnalités universitaires et intellectuelles de plusieurs pays. C’est ainsi que tout le programme scientifique définitivement arrêté a été accompli dans un déroulement largement satisfaisant, avec une convivialité n’empêchant ni l’amusement ni la rigueur.
Les travaux scientifiques présentés et discutés ont encore une fois souligné la richesse de l’œuvre katébienne en matière de questions à approfondir ou à reformuler, ou encore à croiser avec d’autres questions en fonction du reflet ou de l’image que cette œuvre donne à ses lecteurs en accommodation ou en conversation avec le temps présent. Là réside le point fort d’une œuvre littéraire réussie, dans ce potentiel d’être ressentie comme actuelle quel que soit le temps franchi depuis sa création. De ce point de vue, Kateb Yacine demeurera une référence importante pour notre interaction avec la littérature et ses prolongements politiques, sociaux, philosophiques, artistiques… Humaine, assez humaine, et jamais trop humaine !
Le colloque scientifique, intitulé « La Rencontre » (sur une proposition du Tunisien Jalel El Gharbi, membre du conseil scientifique du Forum), a été organisé en mode mixte, en présentiel et à distance, permettant ainsi la participation de chercheurs d’Italie, de France, de Tunisie et d’Algérie. Il a fourni aussi l’occasion de visiter des lieux symboliques de la région, dans une ambiance de convivialité et d’intercommunication. D’abord le lieu « natal » (?) de la tribu des Keblout (Le Nador ou Aïn Grour, selon la perspective que vous prenez.) : ce lieu est malheureusement et tristement livré à lui-même, aux hasards des climats naturel et social, et il semble difficile d’y ajouter autre chose à la petite statue, dressée sur le lieu où Kateb installait sa tente pour écrire, nous dit-on… une statue elle-même en perte d’aspect soigné !
Nous suggérerions, amicalement, qu’un lieu symbolique soit édifié dans la région pour concrétiser le désir d’appropriation, par celle-ci, de l’auteur et d’une part au moins de son patrimoine, comme paraissaient le vouloir, il y a quelques années, des citoyens de cette terre originaire du Rimbaud maghrébin.
Il serait sans doute heureux également de revenir au Prix littéraire international Kateb Yacine qui n’a fonctionné que pendant deux éditions (2014 et 2015), car cela donnerait une meilleure interaction avec la manifestation et donc plus de rayonnement. Il est vrai que ces dernières années le contexte international a trop perturbé les plans de développement, dans tous les pays ou presque, et que dans de telles conditions, c’est toujours la culture qui en souffre le plus ! Mais la volonté de faire ce qu’il faut dans ce sens est toujours perceptible chez les responsables locaux, régionaux et nationaux et cela nous laisse confiants quant à l’avenir de cette manifestation et à la mémoire de Kateb parmi les siens.