Les thèmes abordés dans une chronique, aussi régulière que possible, donnent l’impression de la variété. Mais à y réfléchir de plus près, on se rend sans doute compte que le fond est le même et que la question centrale reste toujours celle de la façon d’être à soi et à la société. Autrement dit, c’est toujours la quête d’un modèle idéal de la Cité, permettant d’être en cohérence avec sa conscience individuelle en même temps qu’en concordance avec ses semblables, ses frères, dans le cadre de cette structure de regroupement, indépendamment des dimensions que celle-ci prendrait. Aussi me vois-je ici comme en continuité de propos déjà engagés, avec une part de répétition et une autre de progrès.
L’occasion de cette chronique m’a été offerte par une conversation en mode mixte (en présentiel et à distance) organisée par la Coordination Internationale des Recherches et Etudes Brachylogiques (Cireb) à Paris, le 12 janvier 2023, autour du thème « La Cité entre la conceptualisation philosophique et la perception sociale ». Mon objet n’étant pas un reportage, je ne m’attarderai donc pas sur les cinq communications présentées à discussion ; cela se fera peut-être ailleurs. Je souhaiterais plutôt me faire, et partager, une synthèse des idées développées dans leurs convergences vers un point focal : La Cité.
Au-delà des espoirs mis dans le projet présenté par Sami Hochlef, intitulé « Demain la Cité », à mener par le Collectif Civil CURA, il me paraît utile de souligner ce qui a été relevé en termes de gravité (au double sens du terme), en l’occurrence la responsabilité de l’école dans toute entreprise d’édification de la Cité. Sauf que l’école est à prendre dans une vision élargie où la famille et la société s’assument dans leur statut d’école. Dès lors, toutes nos crises actuelles seraient dues à l’inadéquation de l’équation à résoudre par la conscience humaine, celle du triangle informateur et dynamiseur de toute société, celui dont les trois sommets sont la famille, l’institution scolaire et la société.
Cependant, faire de chacun de ces trois pôles une école en éternel renouveau, afin de l’adapter au rythme et aux acquis du temps qui passe, doit impérativement s’accompagner de la conscience critique, appelée à se départir de son autoreprésentation comme un pouvoir impératif, pour se concevoir en tant que catalyseur de conversation, avec un vrai « esprit de conversation », dans le sens socratique, et non comme le maquillage de l’éternelle manipulation rhétorique. Toute école doit s’inscrire dans la logique de l’avenir, avec la conscience que l’avenir est celui des générations futures et que c’est par elles qu’il se fera. Certes, les leçons du passé ne sont pas à négliger, car tout avenir se construit sur des fondations à exploiter et se nourrit de racines tonifiantes. Rien ne naît de rien, mais rien ne s’impose comme une vérité inébranlable, à part la nécessité pour les humains de vivre ensemble pour partager le bonheur d’être. Un enseignant qui impose n’est peut-être pas l’enseignant idoine dans la logique moderne de l’édification sociétale, et il n’est pas certain que les modèles anciens soient meilleurs que ceux que l’intelligence et la conscience humaines peuvent initier, à l’articulation du passé et de l’avenir.
« Enseignant » est à prendre ici comme un rôle citoyen dans chacune des trois écoles : la famille, l’institution d’éducation et la société. Ce rôle serait à penser dans la logique socratique de la maïeutique, de l’esprit de conversation et de la relativisation des vérités. Pensons-y, en Tunisie ou ailleurs, dans cette mouvance brûlante de la révision de l’éducation et des rapports sociaux et civilisationnels, autrement dit dans cette dynamique de la réédification de la Cité.
(Publié également sur jawharafm.net)