Par Badreddine Ben Henda
Je ne sais plus quel écrivain ou penseur définissait l’intelligence comme la faculté de contourner l’obstacle. En revanche, je me rappelle très bien ce que dit un philosophe d’aujourd’hui sur le sujet en affirmant que si “la bêtise est étroitesse de vues, l’intelligence est la faculté d’embrasser du regard un champ de possibles plus vaste[1].”
Hier, j’ai pu suivre pendant plusieurs heures les travaux d’une journée scientifique organisée par la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax autour du thème : “Le Corona dans les Lettres et les sciences humaines”. La rencontre s’est déroulée en ligne, à distance (!) pour les raisons sanitaires que tout le monde connaît à présent. Les participants se sont pour la plupart vus, salués, écoutés et se sont parlé les uns aux autres (presque) comme s’ils étaient côte-à-côte dans un amphi de leur établissement.
La pandémie de ces deux dernières années n’a pas empêché la terre de tourner ni les hommes de vaquer à leurs occupations. Certes, elle a ralenti ou provisoirement freiné certaines activités, mais très vite, relativement très vite, les hommes ont trouvé le moyen de “contourner l’obstacle” ! Les hommes ? Je veux dire les hommes intelligents, les hommes dotés de cette “faculté d’embrasser du regard un champ de possibles plus vaste”.
En passant du coq à l’âne, je dirais qu’il faut justement des hommes aussi intelligents pour mettre fin et de manière juste et équitable au conflit palestino-israélien. Car, pour le moment, il n’existe en majorité que des hommes intelligents pour faire perdurer ce conflit et le compliquer davantage. Du côté des grandes puissances qui, finalement, ont le dernier mot dans la gestion actuelle des rapports de forces sur le terrain, comme du côté des Etats (arabes ou autres) qui, selon leurs dirigeants respectifs, œuvrent pour “la paix au Moyen-orient”, on se situe dans une tout autre acception de l’intelligence !
Il me semble qu’à propos de la Palestine et des droits du peuple palestinien face au colon sioniste, les acteurs véritables, les décideurs véritables, soient d’intelligence avec les faux défenseurs de la “paix au Moyen-orient”. Les grandes et les petites forces dont dépend finalement l’issue du conflit vivent en bonne intelligence, ont des intelligences entre elles pour résoudre la guerre en fonction “d’intérêts communs”.
Au milieu de ces ténébreuses arènes “intelligentes”, entendez par là, au milieu de ces perfides et interminables mascarades dont pâtissent en premier les populations civiles palestiniennes, on entend de temps à autre s’élever quelques voix dans la galerie pour dénoncer la supercherie et les sournois desseins des prétendus “défenseurs de la paix au Moyen-orient” !
Hélas, le faible tumulte de ces voix est vite couvert, assourdi, étouffé par le vacarme ahurissant de la machine manipulatrice des opinions publiques dans le monde ! Oui ! L’intelligence entre Israël et ses “amis” (connus ou cachés) consiste à déployer toutes les intelligences, à embrasser tous les champs des possibles en matière d’intelligence, pour se maintenir en position favorable dans le conflit.
La bêtise aujourd’hui, à propos de la cause palestinienne, est étroitesse de vues. Le discours des défenseurs “locaux” et “internationaux” de cette cause n’a presque pas changé depuis près de cinquante ans. Ou alors, c’est l’injustice intelligente qui est trop forte par rapport à la “bêtise” des Justes. Les injustes de ce monde rivalisent d’intelligence pour faire pencher la balance en leur faveur, en faveur du protagoniste qui leur convient, dont ils peuvent “tirer quelque chose” !
Oui ! C’est aussi sordide que cela, la politique internationale ! Aussi vénale et immorale est l’intelligence dans le positionnement politique des Etats les uns par rapport aux autres. Tout le reste est littérature “intelligente” pour gruger les déficients, les handicapés, les infirmes, les démunis en matière d’intelligence. Car le conflit entre d’un côté les Palestiniens et leurs “alliés” et de l’autre l’occupant sioniste et ses souteneurs c’est d’abord une guerre déséquilibrée entre intelligences. Inutile de rappeler qu’Intelligence ici est à entendre dans tous les sens “propres” et “malpropres” du terme !
1 Laurent Bury, “Avoir l’intelligence de se savoir bête”, in Le Philosophoire 2014/2 (n° 42), pages 39 à 45