En marge du sommet tripartite, tenu dernièrement à Tunis, entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye, ou en interaction avec cet événement, plusieurs voix se sont élevées pour sonner le glas du (Grand) Maghreb. Or le fait même de penser à un tel aboutissement d’un projet aussi noble qu’ambitieux pour les pays de l’Afrique du Nord me paraît non seulement injuste et rabaissant, mais criminel même.
En effet, dût-on ne le garder que comme un rêve ou comme une ambition utopique, le Maghreb me semble devoir rester, pour les pays qui le constituent, la mémoire vivante de leur raison d’être dans un monde à fluctuations diverses et déstabilisantes. C’est la mémoire d’un patrimoine culturel millénaire qui a fini par tisser le tapis volant sur lequel ces pays peuvent vaquer avec leurs hautes aspirations. C’est la mémoire d’un destin qui s’est construit sur des sacrifices partagés et sur des expériences de solidarité et qui tend à se concrétiser, en tout cas qui s’affirme, me semble-t-il, comme un destin commun.
Certes, des contextes à combinaisons diverses et à motivations variées peuvent provoquer des tensions entre des membres d’une même famille, car des pays peuvent constituer une famille tout comme des personnes, mais la raison intelligente et le cœur généreux cherchent et finissent par trouver la voie vers la réconciliation et vers la nécessité de raison garder en toute circonstance.
Ainsi, en marge dudit sommet de Tunis, ces voix criant la fin du Maghreb auraient peut-être mieux fait d’appeler à le repenser et à le sentir de nouveau aussi heureusement qu’une aspiration renaissant toujours de ses cendres ou de ce qui en a l’air. D’ailleurs, les deux « clans » qui se sont constitués sur le corps du Maghreb évanoui dans ses blessures ont exprimé, en connotation ou en dénotation, directement ou indirectement, leur inaliénable appartenance au Maghreb, ou au moins au rêve maghrébin, malgré les exigences ou les tentations de l’instant politique et de ses calculs. C’est là que le rôle des membres plus apaisés et plus sereins de pousser vers les rapprochements et la compréhension en vue d’un dépassement des conflits circonstanciels et de la reprise de la solidarité constructive et respectueuse des conditions de chacun, le regard toujours fixé sur les nobles objectifs souhaités.
Peut-être gagnerons-nous à jeter un regard sur certains moments de notre histoire commune et sur des attitudes on ne peut plus louables de certaines personnes influentes, tant dans la politique que dans la science, l’économie et la culture, pour y (re)trouver des éclairages stimulateurs de notre fond affectif et de ses fondements constructifs et hospitaliers. Ce n’est pas en nous déchirant les uns les autres que nous pourrons défier les grands paris d’un monde capable de décimer en un clin d’œil des contrées séculaires et leurs acquis historiques.
Utopie, encore ! Oui, rêve et utopie, en ce jour et toujours pour que jamais ne disparaisse ni le Maghreb ni tout ce qui peut configurer le meilleur des mondes !