Par Mansour M’henni
La réforme du système éducatif semble être une exigence du temps présent pour plusieurs pays, même parmi ceux dits des pays développés. C’est dire que l’éducation, qui est le nerf moteur de toute société, non seulement fait problème, mais elle est devenue elle-même un problème ! N’étant pas hors de ce contexte, la Tunisie d’aujourd’hui se voit au point de non-retour quant à cette question. A preuve les dernières déclarations et décisions officielles à l’occasion de la rentrée de l’actuelle année scolaire.
En fait, le slogan de base de cette dynamique réformiste du secteur éducatif semble se résumer dans cette phrase du président de la République : « L’un des crimes les plus odieux commis contre le peuple est le coup porté au système éducatif public ». Reste à se demander, en conséquence, qui lui a porté ce coup et comment s’y est-on pris dans un Etat qui se prétendait et se prétend toujours être un État de droit et de développement économique et social conformément à une rationalité moderniste. N’oublions pas que l’école a été le pilier principal de la construction d’une Tunisie indépendante et personne, ni à l’intérieur ni à l’extérieur, ne devrait dénigrer cette orientation politique essentielle ni remettre en question ses acquis et ses réussites. Il serait trop long de s’y attarder dans ce bref propos, mais nombreux sont ceux qui ont souligné cette réalité, en dehors de toute propagande et de toute démagogie.
Que le président Kaïs Saïed inscrive sa démarche politique dans cet état d’esprit, c’est à son honneur et l’on devrait s’y attendre. Nous l’avions souvent souligné, avec la distance critique nécessaire : l’actuel président de la Tunisie est bel et bien de l’école bourguibienne, profondément engagé pour sa pensée fondatrice, mais prenant quelques distances quant à sa gouvernance et à sa gestion des conditions idoines de la réussite d’une politique à même de garantir le développement, le progrès et la justice sociale. Nous ne saurions donc qu’approuver son engagement inébranlable à sauver l’école tunisienne. Nous osons dire « son engagement inébranlable à sauver l’école de Bourguiba aussi bien d’un certain bourguibisme de propagande que d’un antibourguibisme de spectacle. Encore faut-il réussir cette gageure de l’instant présent qu’il considère, à juste titre, comme fondatrice d’une nouvelle Tunisie fidèle à ses valeurs de l’indépendance et ambitieuse d’une juste et efficace réinscription dans le processus du progrès.
Pour ce faire, quelques remarques de base nous paraissent mériter l’intérêt et l’attention qui lui sont dus, dans un tel mouvement de relance du développement intégral où l’école fait fonction de générateur central de toutes les énergies.
¤ Il est impératif de revaloriser l’école publique comme le principal cadre de la formation et de l’éducation des citoyens, ainsi que de l’édification sociétale. Cela pourrait s’accommoder, avec une proportion raisonnable, de l’ouverture ou de la conservation d’établissements privés, consenties sur la base de conditions de faisabilité n’affectant ni le statut de l’école publique comme premier repère en la matière, ni la prise en compte des conditions socio-économiques de l’inscription des citoyens dans ces établissements, ni l’éthique de base du métier d’enseignant-éducateur.
¤ S’il est intelligent, à notre avis, d’ouvrir la consultation à l’ensemble des citoyens (en évitant de parler du « peuple » pour ne pas retomber dans la démagogie), il est tout aussi intelligent de bien raisonner l’ensemble des idées avancées dans le cadre d’un projet global, cohérent, adapté et efficace.
¤ Prendre garde de certains slogans qui menaceraient le projet d’un dérapage tout aussi préjudiciable que des slogans de même nature ayant accompagné les précédentes intentions réformistes. Rappelons les effets catastrophiques de la précipitation et de la complaisance qui avaient conduit l’opération d’arabisation, alors que l’intention d’arabisation était noble et pouvait s’assurer une bonne voie vers la réalisation rationalisée. Il y a tous lieux de croire que certaines informations fuitées ou spéculations intéressées à propos du remplacement du français par l’anglais s’inscrivent dans le même état d’esprit.
¤ Bien préparer le projet de Conseil supérieur de l’éducation de façon à en faire une vraie structure efficace à tous niveaux plutôt qu’un cadre de figuration pour certains noms.
D’autres remarques plus ponctuelles suivront au fur et à mesure de l’évolution du processus de réforme, l’essentiel est aujourd’hui que tout le monde prenne au sérieux cet important objectif sociétal et y contribue du meilleur qu’il peut.
(Publié aussi sur jawharafm.net)