A la fin de chaque rendez-vous de la Foire Internationale du Livre en Tunisie (FILT), on se retrouve, sans surprise, devant une série d’articles exprimant plus d’opinions critiques que d’avis satisfaits du rendement de l’édition concernée. Tous parlent évidemment au nom de la défense de cette occasion propice à la promotion du livre, à l’accroissement du rendement des éditeurs, rarement au bénéfice des auteurs et sporadiquement à l’image du promoteur de l’événement – entendez « l’État ».
Cette année, c’est l’Union des éditeurs tunisiens qui, la première, a annoncé ses couleurs belliqueuses, de façon franchement mobilisatrice, dans l’esprit d’un militantisme de droit et de devoir. En effet, les auteurs du communiqué en question (signé du président de l’Union) appellent à une mobilisation pour sauver la FILT et sa renommée qui, disent-ils, ternit d’année en année. Ils ont sans doute les raisons de leur position et déjà certains médias s’emparent de l’opportunité pour un débat radiophoniquement ouvert sur la question. L’intension serait même d’établir une sorte de feuille de route, ou plutôt d’ordonnance médicale censée conduire la FILT vers la bonne santé espérée. Reste à savoir quelle crédibilité aurait cette prescription pseudo-médicale pour un corps entrepreneurial sujet à de multiples tiraillements et à des intérêts souvent contradictoires bien que semblant faire corps commun dans un fonctionnement partagé.
Disons les choses comme elles nous semblent être dans le fond : l’Union des éditeurs se voit comme le principal habilité à diriger la Foire du livre. La question s’est clairement posée lors de l’édition inaugurale de la Foire Nationale du livre tunisien en 2018 et on a pu éviter le problème moyennant une stratégie alternant l’amer et le doux. Mais les intérêts sont plus nombreux et plus coûteux (de tous points de vue) dans la FILT où s’avère difficilement maîtrisable, l’équilibre des responsabilités et des enjeux entre l’Etat et sa machine administrative, les entreprises, les individus (écrivains, lecteurs, etc.), les médias, la société civile (surtout les associations).
C’est pourquoi un terrain de base et un état d’esprit adapté doivent commander les comportements respectifs. Cela ne peut certes se concevoir sans une conversation sereine où les concernés ne viennent pas défendre des intérêts particuliers mais un intérêt collectif. A ce propos, je me dois de dire franchement que les plus lésés dans l’opération sont vraiment les auteurs et le fait de donner la responsabilité du programme culturel au président de l’Union des écrivains ne change pas grand-chose à l’intérêt général des écrivains. Là aussi, la responsabilité des éditeurs est grande parce qu’ils n’exposent que les titres qui leur paraissent rapporter de l’argent, alors que leur mission est de donner présence effective et visibilité étudiée à tous leurs produits, en vue d’une vraie promotion du livre, quitte à user pour cela des techniques informatiques et de leur impact de large portée.
En conclusion et en attente de toutes les évaluations, officielles et non, disons que ce qu’il faudrait soigner avant la foire, c’est peut-être d’abord notre état d’esprit et notre sens de la responsabilité à l’égard de la foire et de ce que celle-ci devrait représenter pour le secteur certes, mais surtout pour la société en général.
Publié aussi sur jawharafm.net (avec 4 coquilles) et repris sur Opera News