Une décision gouvernementale est descendue lundi 10 juillet comme un coup de bombarde sur une vieille demeure fragilisée et fissurée par de nombreuses secousses telluriques. Il s’agit du communiqué du ministère de l’Éducation annonçant le « limogeage de 350 directeurs d’écoles primaires et le non-paiement d’un mois de salaire à 17 000 instituteurs qui ont persisté dans leur refus de remettre les notes des élèves, empêchant ainsi la clôture de l’année scolaire dans les conditions habituelles ».
La situation peut paraître anodine pour certains, mais à y voir de près, elle serait plutôt le signe évident d’un disfonctionnement des rouages éthiques qui sont au fondement d’une société rationnellement et solidairement constituée. En effet, nous voici à la conclusion que l’intercommunication entre les syndicats et le pouvoir est devenue impossible, chacun campant sur ses positions et ne sachant jusqu’où la crise peut aboutir. A demeurer dans ce statisme destructeur qui se targue d’être un activisme militant, il y a peut-être l’essentiel qui est en train de se perdre et sur lequel des Lumières nationales avaient fondé un Etat et une société respectables et respectés de tous ou presque.
L’UGTT nous paraît devoir s’activer à retrouver son rôle politique auquel elle ne cesse d’aspirer et de l’inscrire non dans un opposition systématique mais dans une convergence compréhensive et solidaire entre ses syndiqués et la gestion de l’État, qui que soit à sa tête. Ne jamais négliger l’intérêt et les droits de la classe laborieuse, mais ne pas autoriser, et encore moins encourager, le blocage de la machine de la production et du développement.
On n’acquiert pas ses droits en faisant mourir de faim nos sembles citoyens ou en privant leurs enfants des soins sanitaires ou de leur droit à une éducation accomplie en bonne et due forme. De leur côté, les autres composantes de la société civile devraient adopter les mêmes principes de base et la même démarche. En dehors d’une telle logique, tout le monde sera dans le plus banal et le plus élémentaire du militantisme politique qui fait valoir la chute de l’adversaire au prix de la faillite de l’État et du délabrement de la société.
Maintenant, on entend le syndicat appeler le ministère à un retour aux négociations ! N’aurait-il pas fallu ne pas les interrompre et trouver une concertation plus souple, plus compréhensive, qui rendrait à tout César ce qui est dû à César ? Avions-nous vraiment besoin de ces duels de faux titans à un moment où notre pays est menacé par tous les dangers ?
On n’arrête pas d’entendre certaines factions d’opposition parler du « peuple » qui va se révolter pour redresser la situation du pays ! Savent-ils, ces groupuscules, qu’ils n’ont plus d’impact sur la conscience citoyenne par la faute de tous leurs abus antérieurs et de toutes leurs maladresses passées, tout au long d’une décennie dans laquelle le peuple tunisien avait mis tous ses espoirs d’un avenir meilleur ?
Il ne reste plus de voie pouvant aboutir à une solution viable que la conversation généralisée, dans une concertation rationnelle et sereine, prenant en compte toutes les données et toutes les contraintes, et amenant, chacun de son côté, à accepter sa part de concessions, pour que vive la Tunisie et évolue vers des jours meilleurs.
Une fois cela acquis, les courses politiques peuvent reprendre plus honnêtement, plus efficacement, dans un juste et égal partage de ce droit entre les citoyens.
(Publié aussi par jawharafm.net)